1942-Le jour se lève
actes ».
Or il reçoit un message du Führer qui le convoque à Munich
pour le 10 novembre à 23 heures.
Hitler ne cache rien de ses exigences.
« En présence de l’agression à laquelle viennent de se
livrer les Anglo-Saxons, écrit le Führer, la rupture des relations
diplomatiques ne saurait être considérée comme suffisante.
« Il faudrait aller jusqu’à une déclaration de
guerre aux Anglais et aux Américains.
« Si le gouvernement français prend une position aussi
nette, conclut Hitler, l’Allemagne est prête à marcher avec lui “pour le
meilleur et pour le pire”. »
Laval consulte Pétain, refuse la proposition de Hitler, et
le gouvernement déclare que « la France n’a pas rompu ses relations
diplomatiques avec les États-Unis… elle a seulement constaté que ce sont les
États-Unis qui ont pris l’initiative de les rompre »…
Finasseries ! Vichy veut ménager Américains et
Allemands, ce qui est voué à l’échec.
Selon tous les renseignements recueillis, les Allemands sont
décidés à envahir la zone libre, le 10 ou le 11 novembre.
Et devant leurs diktats, Laval s’incline.
Lorsque le Reich réclame le droit pour la Luftwaffe d’utiliser
les aérodromes nord-africains, Laval déclare :
« Il est impossible après l’agression américaine d’empêcher
l’aviation allemande de venir en Afrique du Nord. »
Capitulation !
La collaboration conduit à la soumission.
Au soir du 9 novembre, cent bombardiers de la Luftwaffe
ont atterri en Tunisie !
Pendant ce temps, Laval roule vers Munich et Berchtesgaden.
Il est inquiet.
« Durant les longues heures de cette route à travers la
Forêt-Noire, une question me venait sans cesse à l’esprit : quelles
allaient être les représailles allemandes ? »
Laval craint aussi pour sa propre vie. Il s’est muni d’une
ampoule de cyanure. Il veut rester maître de son destin.
Mais en fait, tout est déjà joué. Hitler a décidé de
procéder à l’occupation totale de la France (ce qui signifie la fin de la
fiction d’un gouvernement français indépendant). Les troupes de l’Axe s’empareront
de la Corse et créeront une tête de pont en Tunisie.
Ciano, le ministre des Affaires étrangères italien qui
assiste à la rencontre Laval-Hitler, dans la nuit du 10 novembre, observe
Laval :
« Dans le vaste salon, au milieu d’officiers en
uniforme, Laval, avec sa cravate blanche et sa tenue de paysan endimanché, semble
singulièrement déplacé. Il essaye de prendre un ton détaché, raconte son voyage
en voiture. Il a, paraît-il, dormi presque tout le temps, etc. Ses histoires
tombent à plat. Hitler le traite avec une politesse glacée…
« Le pauvre homme, placé sans le savoir devant le fait
accompli, ne peut s’imaginer qu’au moment même où il fume son cigare en
conversant avec ses hôtes, ordre est donné aux troupes allemandes d’occuper la
zone dite libre du territoire français. Personne ne lui en souffle mot. Le
lendemain, et pas avant, me dit Ribbentrop, Laval sera informé qu’en raison de
certains renseignements reçus au cours de la nuit, le Führer s’est vu contraint
de prendre cette mesure. »
Laval n’est plus que le chef d’un gouvernement fantoche.
Il a compris que, dans quelques heures, la zone libre sera
occupée et l’Armée de l’armistice dissoute.
À Vichy, un témoin – l’amiral Auphan – note :
« J’ai vécu peu d’heures aussi dramatiques que cette
matinée du 10 novembre 1942, avec d’un côté Darlan et les Américains
négociant à Alger, de l’autre côté Laval aux prises avec Hitler à Munich, et au
milieu, à Vichy, un vieux maréchal, assailli de télégrammes et d’objurgations, cherchant
la solution. »
L’entourage de Pétain le pousse à gagner l’Afrique. Un avion
est prêt à décoller. On lui décrit l’apothéose de son arrivée à Alger.
Il prendrait la tête de la dissidence, et le commandement
des armées françaises. Darlan se placerait aussitôt sous ses ordres. De même
que le général Giraud que les Anglais viennent de transporter en Algérie.
Les Américains qui n’aiment pas de Gaulle sont prêts à
appuyer cette transition entre un « premier Vichy » attentiste et son
héritier, un Alger combattant les Allemands.
Mais Pétain refuse.
« Un pilote doit rester à la barre pendant la tempête, dit-il.
Il n’abandonne pas la barre. Si je pars, la France connaîtra le régime
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