1942-Le jour se lève
qu’il n’obéit qu’au maréchal Pétain.
Il organise la fuite de Weygand dans une des voitures du chef de l’État, que
deux véhicules allemands, chargés de SS et de policiers en armes, arrêteront.
Le général Weygand est conduit à Moulins et de là en
Allemagne.
Ce 11 novembre 1942 voit s’effondrer le château de
cartes truquées qu’était le gouvernement du maréchal Pétain. L’ambassadeur de
Brinon annonce dans un communiqué officiel que, désormais, par un effet de la
générosité allemande, il pourra faire hisser le drapeau français sur l’hôtel
Matignon. Là où se trouve le siège de l’ambassade de France à Paris…
Il faudrait rire et on ne peut que s’indigner tant il y a de
veulerie, de bassesse et d’esprit de soumission dans la satisfaction servile de
monsieur l’ambassadeur de Brinon, représentant la France… à Paris.
Ce même jour, 11 novembre 1942, à l’Albert Hall de
Londres, la voix du général de Gaulle s’élève, forte mais sans illusion.
« La voici donc terminée la première phase de cette
guerre, dit de Gaulle, celle où devant l’assaut prémédité des agresseurs
reculait la faiblesse dispersée des démocraties… Cependant, si le tunnel où
nous avons longtemps cheminé dans les ténèbres commence à s’éclairer d’une
lointaine lueur, il s’en faut de beaucoup que nous nous trouvions au terme. »
La veille, Churchill avait évoqué « la fin du
commencement ». Et de Gaulle, lucide et réaliste, le rejoint.
Il ne dissimule rien : et d’abord le risque de la
dispersion car « mille forces centrifuges s’exercent sur l’unité de la
patrie ». Il n’ignore pas les manœuvres des Américains pour l’écarter au
bénéfice de Darlan ou de Giraud.
Il l’a dit à plusieurs reprises depuis le 8 novembre.
« Ce qui se passe en Afrique du Nord du fait de
Roosevelt est une ignominie. »
Les Américains ont annexé Giraud avec l’idée que l’annonce
de son nom « ferait tomber les murailles de Jéricho », analyse de
Gaulle. Ils utilisent aussi « l’expédient temporaire de Darlan » pour
négocier un cessez-le-feu !
Darlan, le vichyste, l’homme de l’accord avec Hitler à
propos de la Syrie, ouvre les aérodromes aux avions de la Luftwaffe.
De Gaulle mesure les conséquences de ce choix :
« Quelques gaffes de cette sorte commises par les
Américains, dit-il, et la Résistance ne croira plus à la capacité et à la
pureté de la France Combattante, ce sont les communistes qui se présenteront
comme les durs et les purs alors qu’ils ont commencé la guerre en désertant le
combat, alors qu’ils ont attendu l’entrée de l’URSS dans la guerre pour me
faire signe et ne plus m’attaquer. »
Mais à l’Albert Hall, ce 11 novembre 1942, face à la
foule enthousiaste, dans la lumière éclatante qui fait ressortir les trois
couleurs des drapeaux à croix de Lorraine, le temps est à l’épopée, à la
célébration de l’héroïsme et du sacrifice.
« Le ciment de l’unité française, lance de Gaulle, c’est
le sang des Français qui n’ont jamais, eux, accepté l’armistice. »
Une voix isolée, du haut des gradins, dans le silence, une
voix qui crie qu’il faut s’entendre avec Giraud, et tout à coup des hurlements
qui couvrent la voix, qui l’étouffent, l’interpellateur est chassé.
Cette foule enthousiaste est pleine aussi de fureur contre
ceux qui commandent, trahissent les espoirs.
« Soldats morts à Keren, à Koufra, Mourzouk, Damas, Bir
Hakeim, reprend-il, marins de nos navires coulés… aviateurs tués… combattants
de Saint-Nazaire tombés le couteau à la main, fusillés de Nantes, Paris, Bordeaux,
Strasbourg et ailleurs… C’est vous qui condamnez les traîtres, déshonorez les
attentistes, exaltez les courageux… Eh bien, dormez en paix ! La France
vivra parce que vous, vous avez su mourir pour elle ! »
Il attend que la vague d’émotion reflue et, la voix nouée, il
lance : « Le centre autour duquel se refait l’unité française, c’est
la France qui combat. À la nation mise au cachot, nous offrons depuis le
premier jour la lutte et la lumière ! »
Il reprend après les applaudissements frénétiques.
« La France ne juge les hommes et leurs actions qu’à l’échelle
de ce qu’ils réalisent pour lui sauver la vie… La nation ne reconnaît plus de
cadres que ceux de la Libération. Comme dans sa grande révolution,
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