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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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comtesse.
    — Ce ne serait que mon dû, puisque vous tenez ma terre, dit Haguenier, mais ce n’est pas avec cela que vous me ferez répudier ma femme.
    — Ton dû ! Je l’ai payé assez cher, moi, pour en jouir. Nous reparlerons après de ton divorce, et je te dirai du reste qu’Ermessan de Rumilli est une très belle fille. Si tu avais une bonne santé, je ne serais pas si pressé. Mais comprends toi-même que je ne veux pas m’être donné tant de peine pour que le fief tombe en quenouille. Hervi était à moitié en ruines quand ton grand-père est mort. Les champs de blé que tu as vus étaient envahis par la forêt, il n’y avait là que ronces et orties, depuis l’année de la variole, quand j’étais encore en Terre sainte. Et toi, tu parles de ta terre.
    » Tu sais comment je l’ai gagnée, ta terre ? Aussi vrai que je vis, je passe pour un homme méchant, et mon père passait pour bon. Mais je suis meilleur père pour toi qu’il n’a été pour moi. Je ne voulais pas épouser ta mère, moi. J’avais quinze ans, on m’a forcé. Mon père m’a battu tant que j’en suis presque mort. Et pourquoi ? J’étais un enfant, la femme de mon seigneur m’avait pris de force, si l’on peut dire. Je n’étais pas comme Joseph, ça non. Mon père m’a traité pour cela comme si j’étais un chien galeux ; il m’a presque tué ; puis il m’a forcé à me marier avec ta mère, tout comme on donne au premier venu une fille qui a fauté. Ce n’est que par chance que les frères de ta mère sont morts en croisade, et que j’ai hérité de tout. Mais j’eusse autant aimé n’être pas marié de cette façon.
    — Ne parlez pas de ma mère, dit Haguenier, sombre.
    — Je parlerai de ce que je voudrai. Moi, quand j’avais ton âge, je restais ici même, dans ce château, à me ronger les poings, et sans autre distraction que la chasse au loup. Tout cela parce que mon père dépensait le peu de bien qui nous restât en colifichets pour sa petite amie. Moi, je n’avais même pas une broigne d’archer qui fût en bon état. Si je n’ai pas quitté le pays alors, c’est parce que je savais que la terre de Hervi serait à moi, et Linnières aussi, et je ne voulais pas lâcher le morceau. J’ai passé ma jeunesse à attendre. C’est toute ma vie que j’ai gâchée pour ces terres, mon garçon.
    — Vous ne menez pas trop mauvaise vie, il me semble, dit Haguenier.
    — Ah ! mon garçon, répliqua Herbert, qui était d’humeur sentimentale ce jour-là, cela se dit, et c’est vite dit. J’aime les femmes plus qu’il ne convient à un chrétien, eh bien, c’est ma nature. Je ne suis pas plus heureux pour cela. Mon père ne les aimait pas et restait fidèle à ma mère – à part l’histoire de la petite de Nangi, où c’était la faute à la fille plus qu’à lui – et il n’en était pas plus heureux pour cela non plus. J’avais un frère qui est mort en Terre sainte, et j’ai bien souvent regretté de n’être pas mort à sa place. Lui, mon père, l’aimait plus que tout. Moi, personne ne m’aimait. Tu vois bien, toi-même, qui es mon fils, tu devrais m’aimer, et je sais bien que tu me détestes. »
    Haguenier pensa que son père avait dû boire un coup de trop pour parler ainsi, mais il était plutôt touché. « Vous avez tort de penser cela, dit-il, je ne vous ai jamais voulu aucun mal, seulement je ne veux pas que vous me fassiez faire des choses malhonnêtes.
    — Tu feras tout ce que je voudrai, dit Herbert d’un air las. Mais je te l’avoue, je t’aime bien malgré tout. » Puis il se tourna vers Ortrud. « Hé, mes deux merles ! dit-il en frappant de sa main la hanche de la jeune femme, vous avez fini de bavarder ensemble ? » Ortrud eut un petit rire guttural, à la fois capricieux et excité, et se remit a peigner les longs cheveux de son maître. Et encore une fois Haguenier sentit son cœur se serrer en voyant à quel point elle était jeune et jolie.
    Il quitta son père, après avoir obtenu de lui la promesse de venir au baptême de l’enfant. Chaque fois, après une entrevue avec son père, Haguenier avait la tête lourde et les idées vagues, comme au sortir d’un mauvais lieu. Il ne détestait pas cet homme, il le trouvait fatigant.
    Dans sa maison, il était obligé de s’occuper des préparatifs de la fête ; dame Isabeau voulait absolument éblouir toute la parenté, pour cela il fallait emprunter de l’argent à gages. Toute la

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