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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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légèreté, sans penser me trahir. Je vais d’abord le punir, mais je pardonnerai après. » Et quand il se fut présenté chez elle, le délai expiré, elle déclara qu’elle ne voulait pas le recevoir et il dut faire le guet pendant trois jours devant le château ; et à la fin, elle finit par lui accorder un moment d’entrevue. Là, en présence de trois demoiselles et de la dame de Chesley, elle lui fit honte de sa trahison, et le déclara indigne de la servir. Il eut beau dire qu’il devait s’agir d’une calomnie, elle ne voulait pas le croire. Il devait, pour se faire pardonner, s’imposer une pénitence publique et faire en chemise et pieds nus le chemin de Mongenost jusqu’à Troyes et faire amende honorable sur le parvis de la cathédrale pour avoir trahi sa dame.
    Haguenier faillit protester, car après tout, pouvait-il se reconnaître coupable s’il ne l’était pas ? Mais il se dit que ce devait être encore une nouvelle épreuve et qu’il avait juré d’obéir sans discuter. Il obéit donc, mais pour cette fois, il gardait un peu rancune à Marie – se méfiait-elle donc tant de lui, qu’elle le faisait espionner et qu’elle pouvait imaginer de la débauche dans son amitié pour une proche parente ? En tout cas, il se jura de fuir désormais comme la peste toutes les femmes, fussent-elles d’âge dix fois canonique.
    Cet été-là, Haguenier se mit à la solde du comte de Brie, oncle du comte de Champagne ; il n’était pas pour cela obligé de quitter Troyes, car son nouveau seigneur y tenait une maison. Mais le service était épuisant, car il fallait suivre les gentilshommes du comte aux chasses à travers toute la Champagne, être de toutes les parades, monter la garde au moins une fois par semaine, prendre part à tous les tournois qui se faisaient dans le comté – jusqu’à l’Assomption, il y en eut sept. Haguenier ne se battait pas, pour raison de santé ; mais il était de ceux qui assuraient le service d’ordre, et s’occupaient des préparatifs, et puis il fallait de toute façon faire bonne figure puisqu’il portait les armoiries du comte de Brie, il fallait être des journées entières sur pied, derrière les tables du comte, dans les salles de danse, près des tribunes ou dans les cours avec les autres chevaliers, ses compagnons. Il n’avait guère de repos qu’à l’église.
    Mais aussi touchait-il une bonne solde et pouvait entretenir trois écuyers et une dizaine de valets. De temps en temps, il prenait une journée pour faire le voyage jusqu’à Mongenost ; Marie ne quittait plus guère sa maison, car son mari voulait l’empêcher de rencontrer son ami à Troyes.
    Après ce grand accès de jalousie qui l’avait forcée à recevoir si mal son ami, Marie lui avait avoué son amour. « Je ne veux pas vous le cacher, avait-elle dit, puisque je vois que ma jalousie est plus forte que ma raison. Ne croyez pas pour cela que je vous traiterai autrement qu’avant, ni que je ne chercherai pas à vous éprouver encore plus : car bien souvent un homme qui se sait aimé aime moins, et cela, je ne le veux à aucun prix. Ce n’est que par le temps et l’épreuve que se forge le vrai amour. »
    « Ô trop sage et trop prudente, pensait Haguenier, si vous saviez ce qu’est l’amour vous ne penseriez pas à autre chose qu’à ne pas me causer de la peine. Que vous coûte-t-il de me dire que vous m’aimez, puisque l’amour pour vous n’est qu’un mot ? Tant que je n’aurai pas le droit de vous mettre à l’épreuve, vous aussi, comment saurai-je que vous m’aimez ? »
    Il arrivait parfois à Mongenost si fatigué qu’il avait à peine la force de parler, après avoir fait d’un trait le voyage de Reims ou de Bar-sur-Seine, il n’osait dire à Marie qu’il était à bout de forces, et elle prenait son silence pour de la froideur, et se disait : « Il m’aime moins, depuis qu’il sait que je l’aime. » Et elle n’osait pas alors être douce avec lui, et le faisait repartir le jour même, sans lui accorder un seul baiser. Après elle le regrettait, et se reprochait elle-même sa faiblesse. « Je suis, pensait-elle, une femme bien lâche et bien facile, puisque je tiens tant à un homme qui a si peu fait pour me mériter. Car tout ce qu’il a fait jusqu’ici pour me plaire, tout homme l’eût fait, par simple vanité ou souci de l’honneur. »
    Une fois, comme il avait fait un voyage à Tonnerre, il avait été amené à

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