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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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fais-moi une place à côté de toi », et les couvertures s’écarteront d’elles-mêmes. Toutes les nuits elle dormira dans les bras du pendu.
    Dimanche avant Septembrate, le curé de Sainte-Marie de Hervi, le père Aubert, vint en personne à Bernon, avec son assistant et ses deux diacres. Il disait qu’il fallait purifier la maison souillée par la présence d’un suicidé. Mais la vraie raison de sa visite était autre : depuis longtemps déjà on parlait dans le pays de la fille du vieux maître. Les paysans l’accusaient d’avoir provoqué les vents et la grêle qui avaient abîmé les pommiers en avril.
    La vieille dame reçut le curé avec honneur, fit étaler une nappe blanche sur la table, fit chercher à la cave une outre de vieux vin. Mais le père Aubert ne répondit pas aux sourires de bienvenue de son hôtesse. Il la regarda avec dureté. C’était un homme vieux, et d’humeur acariâtre.
    « Femme, dit-il, je sais que vous êtes aimée et honorée dans le pays, mais on vous reproche une trop grande complaisance pour la famille de votre mari. Il est bon d’aimer ses parents, mais pas jusqu’à faire outrage à Dieu.
    — Que me reproche-t-on, mon père ? demanda la dame Aalais. Je ne suis qu’une vieille femme sans grande influence, je vis sur mon douaire. C’est mon fils le sire de Linnières qui est à présent le chef de la famille.
    — Je ne vous reproche pas, dit le curé, d’avoir honoré plus qu’il ne faut le corps de votre petit-fils qui s’est damné et a causé un tel scandale dans le pays. Car je l’ai connu tout enfant, c’était un brave garçon et qui méritait de mieux finir. Et après tout, c’était votre sang. Mais on dit que vous protégez une femme qui passe pour possédée du mauvais esprit. C’était à vous de m’avertir s’il se passait des choses suspectes dans votre maison, et vous ne m’en avez jamais parlé.
    — On ne peut empêcher les gens de jaser, dit la dame. Si je croyais une de mes femmes possédée du malin, soyez sûr que je vous l’aurais dit, mon père.
    — Vous savez bien, femme, que vous rusez avec Dieu. Car je vois à votre visage que vous n’ignorez pas de qui je parle.
    — Oui, mon père, par Dieu, je le sais. C’est de ma fille la demoiselle Églantine que vous parlez.
    — Vous cherchez encore une fois à tromper Dieu et le monde par de vaines paroles. Car c’est d’une femme conçue dans le péché qu’il s’agit, et qu’on dit fille de votre époux et de votre bru.
    — Mon père, aussi vrai que je vis, je ne laisserai personne, fût-ce l’évêque, fût-ce le pape lui-même, toucher à un cheveu de cette enfant. Mon mari et seigneur me l’a confiée et j’aurai à lui répondre d’elle, que ce soit dans ce monde ou après la mort.
    — Vous avez d’abord à répondre à Dieu de son âme. Faites-la venir. Si je trouve, à l’examiner, que les bruits qui courent sur elle sont faux, je le proclamerai moi-même à l’église et je ferai taire les médisants. »
    La dame était inquiète, mais n’osa désobéir. Elle fit amener Églantine, qui s’était cachée au grenier en voyant arriver les prêtres.
    Le père Aubert s’installa sur la chaise à haut dossier que la dame lui avait apportée, et ses assistants s’assirent sur le banc derrière lui. La dame prit Églantine par la main.
    « N’aie pas peur, ma fille. Le père Aubert ne te mangera pas. — Mon père. Cette enfant n’a pas sa raison. On lui a fait peur avec des histoires de diables et de fées. Mais, que je sache, on ne déclare pas encore possédés tous les gens qui ont la tête dérangée.
    — Nous verrons bien. Laissez-la parler, et ne m’interrompez pas. Ma fille, pensez-vous être bonne chrétienne ? »
    Églantine regarda longuement le visage du vieillard, puis les trois autres hommes assis sur le banc et qui la scrutaient avidement des yeux. Puis, lentement, elle se mit à genoux. « Je n’ai jamais aimé mentir, dit-elle. Je ne suis pas bonne chrétienne. On m’a ensorcelée quand j’étais enfant.
    — J’en ai entendu parler, dit le prêtre en se tournant vers son assistant. C’est une chose grave. Mais, ma fille, ce n’est pas de cela que je vous parle maintenant. Nous avons notre volonté propre. Est-ce par votre volonté et consentement que vous vous dites mauvaise chrétienne ? »
    Églantine fit « oui » de la tête, au grand étonnement de tous. « Vous voyez, dit la dame, qu’elle n’a pas sa

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