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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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Vous avez donc bien mauvaise conscience ? Peut-être êtes-vous vraiment hérétique ?
    — Dieu m’en garde ! Non. Mais par les temps de guerre, on ne sait jamais. »
    Et la nuit, quand Riquet et Auberi se furent endormis, Bertrand raconta au vieux son histoire. « À vous, je peux le dire, car je sais que vous ne me trahirez pas. Je suis du pays de Carcassonne, mes frères tiennent un manoir fortifié. Pour être hérétique, je ne l’ai jamais été, du moins par ma volonté, et je me tiens pour fils de l’Église ; et je maudis maintenant leurs mauvaises doctrines qui ont fait tant de mal au pays. Mais ce qui m’a perdu, c’est ma femme, et l’on a bien raison de dire que depuis Adam et Eve c’est la femme qui est cause de tout mal. Dieu lui pardonne tout le mal qu’elle m’a fait, car sans elle j’aurais encore mes yeux. Je vais vous dire comment j’ai été trahi, par la faute de ma femme – et pour avoir voulu là sauver, sachez-le bien – ah ! que Dieu la juge maintenant devant son parvis céleste, et qu’il lui compte mes souffrances, c’est pour elle que j’ai pris ce martyre. Écoutez donc : moi, je vous le dis, je n’étais pas hérétique, mais ma femme l’était ; toute sa famille, mais elle surtout, si bien qu’elle était connue et honorée dans le pays à l’égal d’une sainte femme. Et elle m’a tant et si bien parlé, et prié de prendre la vraie foi comme elle, que je l’ai fait, et je l’ai laissée partir avec nos filles et vivre dans une retraite pour femmes croyantes. Et quand elle eut reçu la Consolation je ne la vis plus du tout, sauf aux réunions de fidèles.
    » Et puis, quand cette maudite guerre a commencé, je l’ai reprise dans ma maison, avec les fillettes, parce que cela devenait dangereux pour elles, et voilà toute ma faute, seigneur chevalier, car je ne m’en connais pas d’autre. Si je ne l’avais pas fait, je serais encore à Castres avec mes frères.
    » Je vous disais donc que ma femme était connue dans le pays. Nous nous étions réfugiés à Carcassonne, et après que le vicomte eut été trahi et la ville rendue, nous en sommes sortis en chemise, et tout notre bien est resté dans la ville ; je suis allé chez mes frères, ils n’ont pas voulu héberger ma femme, alors je suis parti vers Uzès avec elle et les trois fillettes, parce qu’elle avait des amis là-bas. Et elle emmenait avec elle une autre hérétique, nommée Alonsa. Et ses amis nous ont accueillis dans leur château et nous y étions enfermés et bien à l’abri.
    » Seulement ma femme avait le diable au corps, elle ne pouvait rester tranquille, et tous les jours elle allait par le pays, dans les hameaux et dans les châteaux, pour parler de la vraie foi et pour donner la Consolation aux mourants, car tous les bons hommes étaient pris ou se cachaient, dans ce pays, et combien de gens sont morts inconsolés par la faute de cette guerre, vous ne pouvez vous imaginer. Bien sûr, je comprenais ça, si elle avait été seule je n’aurais rien dit. Donc, Alonsa allait partout avec elle ; elles n’avaient peur de rien. Et de dix lieues à la ronde les gens lui amenaient des mourants pour les faire consoler.
    » Vous pensez bien que cela ne pouvait durer. À Pâques, une troupe de soldats, conduite par un moine, est montée vers le château. Ils ont réussi à y mettre le feu, et nous avions bien dû sortir, tous tant que nous étions. Et alors ils ont pris ma femme et Alonsa et les trois fillettes – et, avant qu’on sorte, Constanza avait eu le temps de nous donner la Consolation à tous, car on pensait bien que c’en était fait de nous – donc, ils ont pris Constanza d’abord et lui ont dit d’abjurer et d’adorer la croix. Et elle a pris la croix et l’a jetée à ses pieds et a craché dessus.
    » Et alors – et alors – ils lui ont fendu la figure à coups de hache et l’ont jetée dans le torrent du haut des rochers. Et Alonsa a dit : « Je veux aussi prendre le martyre comme cette sainte femme », et elle cracha sur la croix elle aussi.
    » Voilà ce qu’ils ont fait. Et si vous avez des enfants, vous êtes bien heureux d’être aveugle, car vous ne verrez jamais ce que j’ai vu. Mes trois fillettes avec la gorge coupée comme des agneaux à la boucherie, et leurs corps roulant sur les pierres vers le torrent, la tête en bas, et Laura mon aînée est restée accrochée par sa robe à des ronces et les chiens lui ont jeté des

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