Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
Vom Netzwerk:
Elle ne résistait pas, par pitié, et aussi pour voir s’il était assez maître de lui pour s’arrêter quand elle le voudrait. Quand elle l’écarta doucement, des deux mains, il ne protesta pas, mais resta cinq bonnes minutes sans rien dire, tête basse, les coudes sur les genoux, les mains jointes. Et Marie sentit que ce silence la rendait plus dépendante de lui que paroles et baisers, et elle eut peur d’avoir envie de l’aimer.
    Il dit à la fin : « Dame, vous êtes trop dure et trop douce à la fois, comme c’est la manière des femmes. Dieu me garde de vous blâmer ; vous m’avez accordé bien plus que je ne mérite ; et je vous en dis grand merci.
    — Ami, dit-elle en lui mettant la main sur l’épaule, ne pensez aucun mal de ces baisers que je vous ai permis par pure amitié. Sachez que le jour où je vous accepterai pour mon ami je vous accorderai encore bien moins, pour le corps, car il faudra bien que vous compreniez que ce n’est pas en cela q u’est le vrai amour.
    — Fausse joie, fausse douceur, dit-il – et sa voix racla sa gorge – comme vous en parlez bien, et vous savez que votre cœur est plus froid qu’un glaçon, et qui l’aura en mourra de tristesse. Mais pour vous j’irais jusque dans les flammes de l’enfer sans rémission et je ne m’en plaindrais pas. »
    Marie jugea que la conversation devenait trop tendre, et se leva. Il s’agenouilla devant elle ; et elle lui mit la main sur la tête. « Allez, dit-elle, et méritez-moi. Ce que je vous ai promis, beaucoup d’hommes auraient voulu l’avoir, et je ne l’ai jamais encore promis à personne. »
    Dans la ville de Troyes, les cloches des églises et des couvents carillonnaient à toute volée, graves, douces, fines, se donnant la chasse les unes aux autres, et l’air du matin en tintait et résonnait à une lieue à la ronde, et les rues de la ville en étaient si pleines que tous les cœurs chantaient à l’unisson dans la joie de la messe matinale.
    À genoux sur les dalles froides de l’église Saint-Pancrace, Haguenier regardait, sur le fond de l’autel à hauts cierges blancs, les mains du prêtre s’élever tendant à Dieu le calice resplendissant. Et le cœur lui battait d’une joie toujours neuve devant la présence divine, et mille cierges brûlaient dans son cœur. Toujours et partout et dans toute l’éternité, ô Bonté, ô Pitié sans fin, ô Dame très pure, Reine de Gloire, accordez-moi la possession du beau corps de ma dame, pour me sauver des tourments de l’enfer. Adieu terre de Champagne, mon pays de naissance, guidez-moi sur la route. Étoile des pèlerins, consolation des humbles… Et les toits des maisons luisaient au soleil levant d’une flamme rougeoyante, et les cloches tintaient toujours ; à la grand-porte de la ville les gardes se hélaient sur le rempart, leurs piques plantées dans le ciel blanchissant. Et les rayons de soleil qui s’échappaient en touffes de derrière la muraille à travers les haies de pignons et de clochers, étaient pointus comme des flèches, et les ailes des hirondelles aiguës comme des couteaux tranchants, et les arbres au loin sur les pentes se dressaient comme des herses. Les visages des hommes sur la route étaient tous beaux et sévères comme des visages d’anges au jour du Jugement et, dans tous les yeux, Haguenier lisait la douleur de ne plus voir Marie.
    Et puis le soleil inonda et engloutit dans ses rayons la ville et les prés, et les bois. Les prés chantaient, et les champs étaient d’or, et au loin les collines boisées se perdaient derrière un voile de soleil.

DEUXIÈME PARTIE
MALHEURS DE LA GUERRE
    Ô soleil d’or, ô prés verts, ô beau printemps, aubépines en fleurs ! Ô branches vertes dans les sentiers, ô ciel bleu !
    L’oiseau dans la forêt, le lézard sur le rocher ont des yeux. Les bêtes les plus viles voient où elles vont. Maudits soyez-vous, chiens, qui m’avez fait pire que les bêtes !
    Maudits soyez-vous, bêtes vous-mêmes, corbeaux qui avez crevé et bu mes yeux, ma belle lumière ! Que vous n’ayez ni paix ni repos, que les loups vous mangent les entrailles, que des vers vous dévorent la langue, que vos yeux pourrissent du dedans et coulent sur vos faces, chiens maudits !
    Ô mes yeux, lumière belle, que ma langue s’use à maudire ceux qui vous ont pris à moi ! Que leurs femmes soient honnies, leurs fils écartelés et jetés aux chiens ! Ô mes yeux, ma lumière, que je chante

Weitere Kostenlose Bücher