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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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quêtes, un homme qui passait, vêtu de noir, arrêta l’enfant. « Je suis Bernard de Castans, dit-il. Que voulez-vous ? » Auberi le prit par le pan du manteau et l’entraîna. « Venez, dit-il, venez avec moi. — Laisse-moi, gueux. Tu n’es pas d’ici. Que me veux-tu ? — N’avez-vous pas un frère qui s’appelle Gaucelm ? » L’homme devint très pâle. « As-tu des nouvelles de Gaucelm ? Nous le croyions mort. — Venez, mon seigneur, il est là qui vous attend à la porte de la ville. » L’homme porta les deux mains à son cœur, et Auberi crut qu’il allait s’évanouir ; mais il se ressaisit, et se mit presque à courir vers la grand-porte, Auberi pouvait à peine le suivre. « Mon seigneur, je dois vous le dire, vous le trouverez bien changé. — Que dis-tu ? Ils l’ont défiguré, mutilé ? Dis-le-moi, je n’ai peur de rien. » Mais, en même temps, il sanglotait presque.
    Les aveugles étaient là, assis par terre ; Ansiau parlait avec les soldats qui montaient la garde. Des chevaux passaient, les éclaboussant de boue, car il avait plu. Bertrand était adossé au mur, la tête un peu renversée en arrière, et tressaillait au moindre bruit. Bernard de Castans le vit, et courut vers lui : « Gaucelm ! » L’aveugle se leva d’un bond et tendit les mains en avant.
    Les seigneurs de Castans logeaient dans une petite maison collée au mur d’enceinte. Bernard, pleurant à chaudes larmes, y conduisit son frère et ses deux compagnons. Bertrand pouvait à peine parler tant il tremblait.
    Les deux frères étaient assis près de l’âtre dans la petite cuisine enfumée, et Bernard lavait et pansait les pieds de son frère ; le fils aîné de Bernard avait apporté à son oncle une de ses chemises et de l’huile d’amandes pour les cheveux et la barbe. « Dis à ton fils, Bernard, qu’il s’occupe aussi des gens qui m’ont amené. Ce ne sont pas des nôtres, mais ils ont été des frères pour moi. Roger de Gaillac m’a jeté dehors comme un chien, tu ne l’oublieras pas.
    — Gaucelm, nous vivons dans un temps maudit. L’Antéchrist est venu qui nous éprouve. Il ne faut s’étonner de rien. Ils sont nombreux, ceux que la Bête va encore séduire. Roger n’est pas un renégat, c’est pourquoi il est obligé d’être prudent »
    Gaucelm ne disait rien, ses lèvres tremblaient. À la fin, il se décida.
    « Et Alfonse, Bernard ? Il n’est pas avec vous ? Dis-moi tout. »
    Bernard ne répondit pas tout de suite.
    « Bernard ! Parle-moi.
    — Il est avec nous.
    — Eh bien ?
    — Il a été très malade, Gaucelm. Nous le croyions mourant. Il pleurait, il nous suppliait, nous l’avons fait consoler. »
    Gaucelm s’était redressé, le visage durci. « Enfantillages ! Il faisait le mourant exprès. Je le connais. Si j’avais été là, je ne l’aurais pas laissé. Foin de tout cela, sottises. Elle nous a réduits a un bel état, la foi. Il verra bien qui est son maître ici. Eh bien ! Parle-moi de lui. Il est guéri, n’est-ce pas ?
    — Il a guéri par miracle, le jour où il a reçu l’Esprit. Nous n’avons rien fait pour le soigner. Mais il a guéri quand même.
    — Eh bien ?
    — Il est très changé. Il a des visions.
    — Tu ne me dis pas tout, Bernard.
    — Je n’ose te le dire, Gaucelm. C’est bien dur pour toi. »
    Gaucelm s’agrippa aux épaules de son frère et se mit à le secouer.
    « Toi et Anselme, vous me le paierez. Vous et vos bons hommes, vous vouliez me le prendre, mais il saura qui est son maître. Dis-moi tout.
    — Depuis quinze jours, il refuse de manger ; il ne boit qu’un peu d’eau. Et même il dit qu’il n’a plus soif. »
    Gaucelm poussa un cri et se leva, bousculant son frère. « Je le savais. Mène-moi vers lui. Tout de suite.
    — C’est qu’il est très faible, Gaucelm. Il vaut mieux le prévenir.
    — Non, chien que tu es ! Qu’on ne lui dise rien, qu’il me voie d’abord. Si après cela il veut encore mourir, eh bien… qu’il crève, je ne veux plus de lui ! » Il fut pris de sanglots convulsifs et tomba dans les bras de son frère. « Viens », dit Bernard.
    Au grenier, près de la lucarne, un jeune homme était couché par terre, les bras derrière la tête, immobile comme un cadavre.
    Il était vêtu de noir, ses cheveux étaient très noirs aussi, bouclés et bien peignés. Son visage, blanc et mat comme la cire la plus fine, était extrêmement beau, d’une

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