4 000 ans de mystifications historiques
de transmission des messages secrets allemands soit compromis, pas le principal, le canal radio, afin que les Allemands, et donc ses propres services, continuent à se servir du code 13040. Or, c’était par la Western Union que l’ambassadeur d’Allemagne à Washington, Bernstorff, communiquait avec son collègue à Mexico, Eckhardt. Hall chargea un agent anglais à Mexico de traiter par tous les moyens avec la Western Union de cette ville pour qu’elle le laisse intervenir sur la livraison des messages de Bernstorff à Eckhardt. La négociation fut ardue et sans doute coûteuse, mais Hall parvint à ses fins : de subtiles modifications dans le télégramme Zimmermann livré à Eckhardt induisirent les Allemands à supposer que c’était le canal Western Union qui était pourri, pas la totalité du code.
Ils conservèrent donc le code 13040.
Alors, le 5 février, Hall révéla l’affaire au ministre anglais des Affaires étrangères, lord Arthur James Balfour. Celui-ci ne prévint l’ambassadeur américain, Page, que le 23 février. À vrai dire, Page avait déjà été informé officieusement par Hall. Il expédia la copie du télégramme Zimmermann au président et au secrétaire d’État. Ses explications sur le délai écoulé entre le 16 janvier et le 23 février étaient plutôt confuses ; il alléguait, en effet, que le déchiffrement du message allemand avait été long et difficile, ce qui était pour le moins éloigné de la vérité.
En dépit de ses relations amicales avec Page, Hall l’avait mystifié : il ne lui avait pas révélé que ses services avaient brisé le code 13040 depuis deux ans.
Wilson subit le choc de plein fouet et piqua une rage. Il avait donc été dupé ! Il voulut porter immédiatement le télégramme Zimmermann à la connaissance du public. Mais le secrétaire d’État lui fit observer qu’il fallait d’abord informer le Congrès.
Puis il y eut un petit hic : la Western Union s’opposa à la divulgation du télégramme, sous prétexte qu’elle violerait le secret professionnel garanti par les lois américaines. On parvint à lui faire entendre raison. Le 28 février, quarante-cinq jours après son interception, le télégramme Zimmermann fut publié par l’Associated Press.
En dépit de la lame de fond de l’opinion américaine, indignée, en faveur de l’entrée en guerre, Wilson ne se décidait toujours pas à rompre les relations diplomatiques avec l’Allemagne. Le 18 mars, la Kriegsmarine lui donna un coup de pouce : elle coula trois navires marchands américains.
Le 6 juin, enfin, Wilson, la mort dans l’âme, déclara la guerre. Il était temps : les Alliés – Angleterre, France, Italie, sans parler de la Russie, désormais hors jeu – étaient à bout de souffle.
Ces péripéties ne figurent pas dans les récits officiels ou privés de la guerre 1914-1918. Elles sont inconnues de l’opinion publique. Il n’a été possible de les reconstituer que grâce aux recherches de quelques auteurs (47) , et de nombreux aspects en demeurent et demeureront sans doute obscurs à jamais.
*
L’affaire du télégramme Zimmermann a permis, tardivement, de disculper Winston Churchill d’un soupçon monstrueux : il aurait volontairement laissé couler le paquebot Lusitania , le 7 mai 1915, pour forcer les États-Unis à entrer en guerre. Frappé dans l’Atlantique par des torpilles allemandes, alors qu’il ralliait l’Angleterre, le navire entraîna par le fond 1 128 Anglais et Canadiens, et 128 Américains. Présenté à l’opinion, afin de lui offrir une preuve de la barbarie allemande, comme un navire civil, le Lusitania avait en fait été transformé en croiseur auxiliaire. La thèse des accusateurs est que, informé par la DNI des intentions de la Kriegsmarine, Churchill n’aurait rien fait pour protéger le navire. Or, le Code 13040 n’avait été achevé de copier par l’infortuné Szek qu’en avril 1915, quelques jours avant le naufrage du Lusitania , et les réseaux d’interception anglais n’avaient pas encore été installés (48) . Churchill n’aurait donc pas pu avoir connaissance des mouvements et des intentions de sous-marins allemands.
Parfois, les dissimulations sont nécessaires. Reste à savoir qui en décide.
1919
La fable d’André Marty,
« mutin de la mer Noire »
Selon la légende dorée du Parti communiste, le camarade André Marty aurait déclenché la révolte des marins du torpilleur Protet , en
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