4 000 ans de mystifications historiques
même temps que de la présidence du Conseil, Ribot rencontre le ministre italien des Affaires étrangères, Giorgio Sonnino, le 19 mars, il lui fait part de la proposition de Charles I er . Ignore-t-il que Victor-Emmanuel III, et son général en chef, Luigi Cadorna, ont déjà ouvert des négociations secrètes avec l’Autriche, et qu’ils se sont contentés, comme compensation à l’armistice, du seul Tyrol italien ?
Il faut en déduire que Poincaré se montre plus royaliste que le roi d’Italie sur les conditions de l’armistice pour l’Italie.
Quand les princes de Bourbon-Parme reviennent, le 31 mars, ils apportent de nouvelles assurances de l’empereur Charles I er : celui-ci reconnaît que l’Alsace-Lorraine est française et il assure qu’il soutiendra l’indépendance de la Belgique ; il déclare aussi qu’il ouvrira des négociations avec la Russie, mais avec une réserve, étant donné la situation dans ce pays.
Le Premier ministre britannique, Lloyd George, pressenti entre-temps, se déclare favorable à une paix séparée. Poincaré torpille le projet en annonçant que l’Italie n’y agréera que si l’Autriche lui concède Trieste, le Haut-Adige, le Trentin, la côte dalmate et toutes les îles de l’Adriatique ; outre que cela revient à faire de celle-ci une mer italienne, la somme de ces exigences est évidemment exorbitante. Les émissaires de l’empereur font machine arrière.
Une autre raison du repli des émissaires est spécifique à l’Autriche : contrairement à l’empereur, le prince Czernin, ministre autrichien des Affaires étrangères, est hostile à une rupture de l’alliance avec l’Allemagne.
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Un revirement s’est opéré dans l’attitude française : le gouvernement est désormais opposé à l’armistice avec l’Autriche. Le jour même où les princes de Bourbon-Parme sont revenus à l’Elysée, le 31 mars, Ribot a eu un entretien avec Clemenceau, adversaire juré de Poincaré, et l’a informé des pourparlers. Le Tigre, jusqu’au-boutiste et partisan du démantèlement de l’Empire austro-hongrois, lui conseille de rompre les pourparlers. Il est alors porté par une vague grandissante de popularité et d’ailleurs il succédera à Ribot quelques mois plus tard. Il serait imprudent pour le gouvernement d’aller à contre-courant de ses idées, il se ferait taxer de « flanchard », au moment où le pays est en proie à une vague de défaitisme (paradoxalement, le « Père la Victoire » imposera à Poincaré l’armistice avant que les troupes allemandes aient été chassées du territoire, « pour sauver des vies »).
Le 20 juin, le prince Sixte de Bourbon-Parme s’entend répondre par Ribot que la France ne peut faillir à ses engagements territoriaux envers l’Italie et que les pourparlers sont inutiles. Dès lors, Ribot ne répond même plus à l’émissaire.
Pourquoi les Italiens ne concluent-ils pas l’armistice tout seuls ? Parce que c’est impossible sans l’accord de la France. D’ailleurs, Sonnino, peut-être influencé par l’intransigeance française, a également changé d’attitude et se montre plus exigeant.
Bien que souhaité par les Anglais, le roi d’Espagne, le roi de Belgique et le roi d’Italie lui-même, l’armistice projeté n’eut pas lieu. La volonté de paix était absente chez les deux principaux belligérants, la France et l’Allemagne. L’une et l’autre voulaient la guerre totale, car elles aspiraient toutes deux à la victoire totale. Guillaume II, indifférent aux bruits de paix séparée de l’Autriche avec les Alliés, escomptait une victoire totale qui lui permettrait de se tailler la part du lion dans un accord de paix. Et Poincaré aspirait à la même chose pour la France : il voulait retrouver les frontières de 1814, avec l’occupation de la rive gauche du Rhin.
Le 12 octobre, revenant sur son engagement de discrétion, Ribot révèle à la Chambre les propositions d’armistice autrichiennes, compromettant ainsi l’Empereur. C’est la première fois que la nation est informée de tractations qui durent depuis des mois et qui l’intéressent au premier chef, mais elle n’en saura guère plus. La rupture avec Sixte de Bourbon-Parme est consommée.
Mais l’héroïsme se devait de triompher, du moins dans l’esprit de ceux qui menaient cette guerre.
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On connaît la suite : en octobre 1917, l’Italie subit la cinglante défaite de Caporetto, infligée par les
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