4 000 ans de mystifications historiques
rade de Constantinople, en 1919, dans le but d’empêcher la guerre contre la révolution bolchevique ; il fut ainsi désigné sous le surnom de « Mutin de la mer Noire ». Il aurait également joué un rôle héroïque en Espagne (il est l’André Massart de Pour qui sonne le glas , de Hemingway). Pourtant, il fut exclu du Parti en 1953.
La légende a pris force de vérité, puisqu’elle a été reprise par le Petit Robert dans son Dictionnaire universel des noms propres . On y lit ceci :
Marty (André). Homme politique français (Perpignan 1886-Toulouse 1956). Officier-mécanicien sur un bâtiment de la flotte envoyé en mer Noire contre les bolcheviks, il fut le chef de la mutinerie de 1919. Amnistié en 1923, élu député, il joua un rôle important dans la direction du Parti communiste français. Durant la guerre civile espagnole, il fut inspecteur des brigades internationales. Réfugié en URSS pendant la Seconde Guerre mondiale, il retrouva son siège de député, mais fut exclu du Parti communiste en 1953.
En fait, ce résumé reflète deux fabrications intégrales des propagandistes du PC, qui donnèrent lieu à deux manœuvres en sens contraire.
D’abord, un rappel de faits généralement oubliés de l’immédiate après-guerre mondiale : pendant la guerre civile qui sévit en Russie entre les bolcheviques et les antibolcheviques « blancs », d’avril 1918 à septembre 1919, les Alliés, Anglais et Français, envoyèrent des expéditions qui débarquèrent à Vladivostock, à Arkhangelsk et dans les ports de la mer Noire.
Marty servait sur l’un des vaisseaux de l’expédition vers Odessa, le torpilleur Protet . Le 15 avril 1919, lors d’une escale à Galatz, port de la côte roumaine, il exposa à des marins le projet de s’emparer du vaisseau et de le ramener à Marseille – ou de le remettre aux bolcheviques à Odessa, on ne sait exactement. Le lendemain, à 23 h 30, il avait à peine mis le pied à bord qu’il fut saisi et expédié en cale, aux arrêts de rigueur, par le commandant et deux officiers revolver au poing. Deux jours plus tard, conduit à terre, il fut enfermé dans un bâtiment militaire. Le 23, il était transféré sur le Waldeck-Rousseau ; le 26, il fut ramené sur le Protet qui gagna Constantinople ; là, il fut conduit dans une vieille prison turque dans l’enceinte de l’ambassade de France. Entre-temps, des mutineries éclataient sur divers bâtiments français.
Ces détails sont tirés du récit même de Marty, La Révolte des marins de la mer Noire (49) . Ils démontrent formellement que, si Marty conçut bien un projet de mutinerie, il ne put le réaliser et ne fut le chef d’aucune révolte de ce genre.
Le point est confirmé par un autre communiste, ami de Marty, Charles Tillon : « L’officier-mécanicien André Marty, fils d’un communard, cherchait à organiser la révolte sur son torpilleur, le Protet , à Galatz. Un malheureux concours de circonstances l’empêcha d’agir et, le 16 avril, il fut arrêté. Sa longue épreuve commença (50) . »
Cette longue épreuve fut sa condamnation par un conseil de guerre réuni sur le Protet , en rade de Constantinople, pour « intelligence avec l’ennemi » et « complot en vue de s’emparer par la force du torpilleur Protet et de passer à l’ennemi en lui livrant le bâtiment ». Ramené à Toulon le 16 juillet, il fut emprisonné jusqu’au 17 juillet 1923. Condamné à l’origine à vingt ans de travaux forcés et à la dégradation militaire, Marty ne resta que quatre ans en prison ; il avait, en effet, été gracié. Mais sa peine avait été plus lourde que celles infligées aux mutins, parce qu’il était officier.
Les mutineries qui éclatèrent, non sur le Protet , mais sur d’autres bâtiments, dont le France , n’étaient motivées par aucun projet politique. Marty les cite lui-même : « 1° Retour immédiat en France. 2° Amélioration de la nourriture. 3° Affichage dans les batteries de toutes les nouvelles captées par TSF. 4° Démobilisation des réservistes. 5° Débarquement immédiat du capitaine d’armes. 6° Permissions dans un ordre régulier. »
Il n’y a là rien de révolutionnaire. Que Marty, fils de communard condamné à mort, ait projeté de s’emparer du Protet est possible, mais cela est totalement distinct du ras-le-bol de la guerre qui s’était répandu dans les forces armées et qui a été largement décrit : la mutinerie
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