4 000 ans de mystifications historiques
parce qu’ils étaient dans l’erreur.
1940-1945
La Résistance française,
galaxie encore mystérieuse
Une littérature considérable a été consacrée à la Résistance française, notamment par certains de ses acteurs les plus éminents. Mais un grand nombre d’ouvrages ne suffit pas à tracer une histoire générale, et ce chapitre crucial de l’histoire de la France contemporaine demeure obscur à bien des égards.
En effet, écrivant de leurs points de vue et se basant sur leurs documents et leurs mémoires, les auteurs ne pouvaient pas toujours embrasser la totalité de la galaxie que fut ce mouvement national. Les orientations idéologiques et politiques ont par ailleurs occulté des faits pourtant importants. L’image synthétique du mouvement voudrait qu’il ait surgi à l’appel du général de Gaulle le 18 juin 1940, et qu’il ait été renforcé par le ralliement des communistes ; comme dans tout récit héroïque, les combats de la Libération couronnèrent les vaillants défenseurs de la nation et des vertus républicaines. Quelques versions plus nettement gauchies par des intérêts personnels ou de parti, mais désormais frappées de désuétude, y ont vu, elles, un mouvement populaire dirigé à la fois contre le totalitarisme et ses « alliés naturels » – les grands industriels et la bourgeoisie.
Image bien maigre et surtout fausse, et plus encore biaisée par les partis pris de certains idéologues, désormais qualifiés de « communicateurs », et de passionnés manichéistes. On ne mesurera sans doute jamais les ravages ajoutés par un film tel que Le Chagrin et la Pitié , de Marcel Ophüls, dont on sortait avec le sentiment que tout l’héroïsme des résistants ne suffirait jamais à racheter la lâcheté et l’ignominie du reste de la population. Un Jean Laborie a dénoncé en 2010 avec justesse et éloquence l’effet pernicieux d’une telle interprétation (69) . Il y rapporte entre autres l’opinion de Simone Veil : « Au fond, en montrant que tous les Français avaient été des salauds, ceux qui l’ont été vraiment avaient très bonne conscience, puisqu’ils l’avaient été comme les autres. »
Au-delà de l’aspect moral, moralisateur ou souvent démoralisant de nombreux récits, se dressait et se dresse encore un autre problème : le silence imposé aux chercheurs, par la menace et la violence. J’ai raconté en d’autres pages (70) les menaces qui, en 1971, nous contraignirent, mon éditeur et moi, à renoncer à un livre sur l’histoire financière de la Résistance. Le sujet était tabou. Et si les langues parfois voulaient bien se délier, encore fallait-il s’assurer qu’elles ne mentaient pas ; et que de solennels ouvrages sur la Résistance ne comportent-ils pas de mensonges assénés avec l’assurance de l’auteur, investi de l’autorité de celui « qui y était » !
Quant aux archives, reposoirs suprêmes des preuves, elles demeuraient et demeurent encore obstinément closes.
Quelques icônes héroïques dominent un paysage brumeux dans l’imaginaire collectif, Guy Môquet, Jean Moulin, Gabriel Péri, Pierre Brossolette, le colonel Fabien. Et des noms de réseaux, Libération, Franc-Tireur, Combat.
Silences, mensonges, interprétations fausses, l’histoire de la Résistance souffre encore de ce qui, à certains égards, ressemble fort à une falsification.
La réalité est donc bien plus complexe que le reflet qui en est perçu par l’information publique et l’enseignement, surtout par les générations nées après la guerre. « C’est du passé, pourquoi y revenir ? » Telle est l’objection souvent faite à ceux qui s’y intéressent encore. L’habitude est prise, en effet, de trouver plus d’attrait au passé ancien qu’au récent, et de juger le cardinal de Richelieu plus intéressant qu’Adolphe Thiers. Pourtant l’intérêt de cette réalité dépasse de loin celui des précisions que les recherches apportent constamment à l’histoire. En effet, elle éclaire de façon parfois surprenante le panorama des courants politiques en Europe au XX e siècle et de leurs conséquences sur les événements. Les racines d’aujourd’hui plongent toujours dans l’hier.
On n’en esquissera ici que les contours : un épais volume, sinon plusieurs, y suffiraient à peine.
*
Le trait dominant de ces contours est que la lutte armée contre l’occupant ne fut le fait ni de ce que l’on appelle
Weitere Kostenlose Bücher