4 000 ans de mystifications historiques
ceux qui en possédaient les éléments. Au fur et à mesure des années, ceux qui savaient les faits disparaissent les uns après les autres, et ce chapitre crucial du XX e siècle se voile de poussière.
À quoi bon s’obstiner ? arguent ceux qui jugent la question sans intérêt, Hitler n’a pas eu la bombe parce qu’il n’en avait pas les moyens. De toute façon, les Américains avaient disposé de centaines de savants de pointe pour fabriquer la première bombe A, alors que les nazis ne disposaient que de quelques dizaines de techniciens. Argumentation fausse, comme on le verra.
Une conviction obscure préside à cette feinte indifférence et à ces explications bancales : le III e Reich n’a pas eu cette bombe parce que la Providence l’a ainsi voulu. Et chacun de repousser avec horreur la vision d’un monde dominé par les nazis. Alors que l’espoir d’un monde meilleur éclairait la reconstruction de l’Europe, il eût été déplacé de concéder aux nazis le savoir-faire scientifique et technique des démocraties.
Or, voici les faits, rassemblés au terme de quelque cinquante ans de recherches ; ils permettent, à notre avis, de reconstituer l’historique général. Et nous espérons qu’ils seront un jour complétés par les documents qui dorment dans quelques archives anonymes.
En dépit de l’anathème jeté par Hitler sur la « science juive », c’est-à-dire sur la physique nucléaire et l’électronique, les physiciens allemands poursuivaient bel et bien leurs recherches sur l’atome. En fait, c’est même en Allemagne que commence l’histoire de l’exploitation de l’énergie atomique : en octobre 1938, au Kaiser Wilhelm Institut de Berlin, Otto Hahn et Fritz Strassmann réussissaient pour la première fois à fissionner, c’est-à-dire casser des atomes d’uranium, dégageant ainsi une énergie considérable. Ils en furent surpris et conclurent leur communiqué par une phrase prudente : « Il se peut que nous nous soyons trompés. » À la place de l’uranium 235, qu’ils avaient bombardé avec un faisceau de neutrons, ils trouvèrent du baryum et du krypton, dont les masses atomiques additionnées représentaient celle de l’uranium.
À cette époque, il faut le souligner, personne ne croyait à la possibilité de libérer l’énergie atomique, pas même Albert Einstein : « Il n’y a aucune preuve qu’on puisse utiliser l’énergie [nucléaire], avait-il déclaré en 1932. Cela signifierait qu’on puisse casser l’atome à volonté. »
Ce fut la collègue de Hahn et Strassmann, Lise Meitner (1878-1968), exilée en Suède en raison des lois raciales nazies, qui comprit la portée de la découverte. Hahn lui avait adressé le compte-rendu de l’expérience, pour tenter de comprendre ce qui s’était passé ; elle s’empressa d’alerter un autre grand physicien, Niels Bohr, à Copenhague. Bohr alerta le gouvernement britannique, mais celui-ci ne croyait pas non plus à l’énergie nucléaire et l’envoya aux Américains. Les physiciens européens exilés aux États-Unis, Léo Szilard, Eugen Wigner, Enrico Fermi et évidemment Einstein comprirent la portée de l’expérience de Hahn et Strassmann, et ce fut alors que, péniblement, le projet Manhattan fut mis sur pied. Incidemment, la modicité du budget alloué par le gouvernement pour ce projet – 6 000 dollars – témoigne qu’il n’y croyait pas trop.
La communauté des physiciens allemands comprit aussi ce que signifiait la fission de l’atome.
Au printemps 1941, le physicien allemand Carl von Weizsacker rendit visite à son collègue Bohr à Copenhague, et lui posa plusieurs questions sur l’avancement de la physique nucléaire au Danemark. S’y intéressait-on à la fission atomique ? Bohr répondit par la négative ; il savait qu’aux États-Unis Fermi effectuait des recherches en ce sens, mais c’était tout. Il informa le contre-espionnage danois de sa conversation. En octobre 1941, les agents danois informèrent le MI6, le service de contre-espionnage britannique, qu’un autre physicien allemand, Werner Heisenberg, prix Nobel de physique 1932, avait également rendu visite à Bohr en septembre et lui avait posé une question révélatrice : était-il moralement licite de réaliser une arme atomique absolue en temps de guerre ? À quoi Bohr avait demandé : cela signifiait-il que les Allemands croyaient à une telle arme ? Heisenberg le lui confirma. Alarmé par
Weitere Kostenlose Bücher