4 000 ans de mystifications historiques
prenait pour l’autorité suprême en matière d’information.
Les Anglais rapatrièrent Tricycle à Londres. Et Pearl Harbour fut bombardé quatre mois plus tard.
On n’apprit que bien plus tard la rencontre entre Popov et Hoover, grâce à Anthony Cave Brown, qui, paradoxalement, diffusa une autre théorie du complot : celle selon laquelle Churchill avait bien sacrifié Coventry (83) .
La théorie du complot s’était trompée de cible : si quelqu’un avait manqué une occasion, c’était Hoover et pas Roosevelt. Mais c’est le trait commun de bien des mystifications : ceux qui les perpètrent s’induisent eux-mêmes en erreur.
1944
Un épisode oublié : la disparition
des sacs de billets de la Banque de France
Toutes les guerres comportent des mystères, et ils sont si nombreux que, si tous ceux qui les connaissaient en faisaient le récit, une encyclopédie y suffirait à peine. Entre mystère et mystification, la frontière est cependant ténue, comme en témoignera l’épisode suivant, jamais élucidé.
Quand les forces anglo-américaines débarquèrent en Normandie, le 6 juin 1944, celles de la Résistance française se mobilisèrent pour seconder l’offensive de l’intérieur et accélérer la défaite allemande, désormais inéluctable. Elles avancèrent pour occuper des positions stratégiques. Leur présence était perceptible à la population et présageait des conflits qui éclateraient dans les jours prochains entre les maquisards et les éléments fidèles à Pétain, voire franchement collaborateurs.
Conscient des risques, le directeur de la succursale de la Banque de France à Périgueux, M. Lajule, résolut de soustraire les fonds qu’il détenait aux tentatives de mainmise par la force des uns ou des autres. Le 26 juillet, il décida de les faire transférer à Bordeaux. Ces fonds étaient importants : un peu plus de deux milliards et quart (2 280 000 000), ce qui équivaudrait à quelque 350 millions d’euros.
Lajule n’a prévenu du transfert que le préfet du département, Callard, lequel avait, d’ailleurs, conseillé le transfert et qui a délégué deux inspecteurs principaux des renseignements généraux et deux inspecteurs de police pour suivre les fonds jusqu’à leur destination. Ces quatre hommes se joindront au contrôleur principal de la Banque de France et aux deux agents de recette commis par Lajule.
Sept hommes, ce n’est pas de trop pour veiller à la sécurité de cent cinquante sacs de billets de banque, totalisant 4,5 tonnes. Ce chargement est embarqué dans le premier wagon d’un train en partance pour Bordeaux à 18 h 25 (84) . Le train fait halte à 19 h 11 à Neuvic-sur-l’Isle. Là, cent cinquante maquisards l’attendent, commandés par trois officiers, s’emparent des cent cinquante sacs, chargés sur deux camions de 3,5 tonnes. L’un des officiers maquisards remet au contrôleur principal un « bon de décharge » signé « Krikri ».
*
On serait porté à se demander à quoi servait l’escorte qui protégeait l’argent ; la réponse serait simple : elle ne pouvait résister à cent cinquante maquisards. Et Krikri ? Une enquête fut entreprise après la Libération ; elle révéla que c’était Raoul Christophe, agissant sous les ordres du lieutenant-colonel André Gaucher, nommé par le MLN (Mouvement de libération nationale), chef départemental FFI et jusqu’alors chef des maquis AS (Armée secrète, non communiste) et de l’Ora (Organisation de résistance de l’armée).
On relève incidemment que l’argent de la Banque de France sera qualifié par la suite de « butin ennemi » et de « prise de guerre ».
L’itinéraire de l’argent a été partiellement reconstitué : les sacs auraient été remis à Prosper Rizza, trésorier-payeur du maquis, lequel les aurait remis à son tour au préfet de région du maquis, Maxime Roux. Celui-ci reçut la consigne de diviser le butin et de l’entreposer chez des particuliers. Le grade de Roux étant devenu légitime et légal à la Libération, près d’un mois et demi plus tard, c’est au titre de préfet de la République que celui-ci chargea les milices patriotiques – rien à voir avec les milices de Vichy – de récupérer l’argent et de le remettre à la Banque de France. Mais des individus visiblement bien informés et armés de mitraillettes les devancèrent et s’emparèrent d’une partie des lots, certains dépositaires, alarmés
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