4 000 ans de mystifications historiques
« raciales », qui sous-tendent les discours sur les origines « gauloises » de la France, se trouvent autant mises à mal que les arguments historiques. Les invasions successives, en effet, n’ont cessé d’enrichir le stock génétique des habitants de la France, tout comme celui des habitants du reste de l’Europe tout entière. Du VII e au X e siècle, les Normands ont une fois de plus bouleversé les cartes ethniques et linguistiques européennes. Normands, le terme veut simplement dire « hommes du nord » ; en fait ce sont les Vikings et les Varègues. En France, nous n’aurons affaire qu’aux premiers : à la fin du IX e siècle, ces pillards qui ne restent tranquilles que l’hiver lancent une expédition en Provence et s’installent à l’embouchure de la Seine.
Singulière situation : à l’ouest, l’émirat de Cordoue, maître de l’Espagne, occupe le Languedoc, et à l’est, des gens du nord occupent la Provence. La France est vraiment le théâtre des paradoxes.
Il ne reste qu’à consoler Astérix et, par la même occasion, Obélix.
V e - VI e siècles
Clovis, premier roi de France…
ou prince belge ?
Fondateur de la dynastie mérovingienne, Clovis (481-511) est l’un des prototypes les plus représentatifs des mythes historiques français. Il jouit d’une gloire inoxydable. Tous les manuels le présentent comme le créateur d’un empire et l’artisan d’une union entre l’État et l’Église qui résistera douze siècles. Carolingiens, Capétiens, Valois, Bourbons n’auraient fait que reprendre et consolider son œuvre. L’imagerie nationale scintille de scènes magnifiques et barbares, à commencer par le sacre à Reims et l’épisode du vase de Soissons. Puis n’a-t-il pas, le premier, fait de Paris sa capitale ? Il est vraiment le premier roi de la France. Comme on ne prête qu’aux riches, on a accroché à son image des légendes extravagantes, telle celle d’un monstre marin qui aurait engrossé l’une de ses aïeules… La bière du temps titrait fort.
L’inventaire invite à la nuance. D’autant plus que la source principale d’informations sur ce roi, l’ Histoire des Francs de Grégoire de Tours, a été écrite soixante ans après la mort du héros. Elle est donc sujette à l’imprécision.
Ce Franc, donc un Germain, dont le nom véritable est Chlodovech ou Chlodweig, érodé en Ludovic et déformé en Clovis, formes primitives de Louis, est le fils d’un roitelet de la « Belgique seconde », de l’Escaut à la Somme, qui se voulait d’abord général romain : c’était d’ailleurs son costume. Clovis a quinze ans quand Chilpéric meurt, vers 481, et il prend la succession de son père dans l’administration du territoire. Il a une vingtaine d’années quand, avec d’autres chefs francs de la région, il élimine son rival Syagrius, qui régnait sur la Normandie et une partie de la Bretagne actuelles. Il attaque ensuite les Armoricains et leur enlève Blois.
C’est après la victoire contre Syagrius que se situerait l’épisode du vase de Soissons, un objet précieux prélevé dans une église et qu’avait réclamé Rémi, évêque de Reims et ami de Clovis (ils administraient les mêmes territoires). Clovis entendait satisfaire ce dernier, mais quand il le réclama au soldat qui l’avait pris comme butin, ce dernier le lui aurait refusé et, pour marquer son mécontentement, l’aurait abîmé d’un coup de francisque. Clovis lui aurait alors fendu le crâne. Comme modèle de roi, on eût pu espérer mieux.
On se contente aujourd’hui de douter de l’anecdote, sous prétexte que, le vase étant en métal précieux, or ou argent, il aurait tout juste été cabossé. Et le crâne du soldat ? N’importe : l’exemple contraignit l’armée à la discipline. Il paraît que, de surcroît, la lance, l’épée et la francisque du soldat étaient malpropres…
*
Toujours est-il que, en 493, Clovis est assez puissant pour obtenir la main de Clotilde, fille de Gondebaud, roi des Burgondes, qui possède un bon tiers du territoire de la France actuelle, tout le sud-est. Clovis lorgne ce royaume ; il ne l’obtiendra jamais. Mais il emportera ceux des Francs Saliens et des Francs Rhénans, et il guerroie à droite et à gauche ; ainsi il écrase les Alamans en 497 (pas à Tolbiac, c’est encore une invention, mais on ne sait pas vraiment pas où) et il tue le roi wisigoth Alaric à Vouillé, près de Poitiers, en
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