4 000 ans de mystifications historiques
rencontré, et pour cause, était César lui-même, qui n’en trace aucun portrait. Ceux de l’Antiquité auxquels on a emprunté cette image farouche, Dion Cassius et Florus, ont vécu un et deux siècles après les événements. Une monnaie d’or frappée à l’effigie de Vercingétorix le représente de profil, sans un poil de moustache ni de barbe, avec des cheveux courts et bouclés. Au temps pour la tradition de l’hirsutisme qui a prévalu dans l’iconographie moderne, jusqu’à Astérix.
Ce n’était certes pas le scrupule historique qui guida les créateurs du mythe de Vercingétorix : un historien prudent aurait même répugné à ressusciter son personnage ; en effet, quand César exigea la reddition totale des Gaulois et exigea que Vercingétorix lui fût remis, celui-ci ne se rendit pas, mais fut livré par les autres chefs. En somme, il fut trahi par les siens.
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Il s’ensuit qu’à l’origine, les Gaulois n’habitaient que le centre de la France, et qu’à se réclamer de leurs ascendance il faudrait considérer tous les autres comme des intrus.
Au II e siècle av. J.-C., le sud de la Gaule transalpine revêtit pour les Romains une importance stratégique en raison des guerres puniques, contre Carthage ; la bande côtière de Montpellier aux Pyrénées et la route commerciale de Toulouse à l’Atlantique, Narbonne comprise, furent décrétées municipalité romaine : ce fut la Gaule narbonnaise, au nord de laquelle se trouvaient les Allobroges. Le nombre de fonctionnaires et de garnisons qui s’y installèrent fut évidemment bien plus important que dans le reste de la région ; et ces gens n’étaient pas gaulois ; on y comptait même des natifs de terres lointaines, des Syriens, des Galates de Turquie, des Grecs de diverses régions, des Illyriens… La Gaule narbonnaise devint ainsi un creuset de mélanges ethniques.
Vers 105 av. J.-C., soit une vingtaine d’années plus tard, trois invasions venues de la côte ligure bouleversèrent les répartitions de tribus citées plus haut : en effet, originaires de la côte dalmate, les Ambrons, les Teutons et les Cimbres déboulèrent dans tout le pays, du sud au nord (suivant un autre itinéraire, les mêmes tribus envahirent le Danemark avec les Arudes).
Rome partagea ensuite le pays en cinq divisions, séparant plusieurs territoires tribaux. Ce fut ainsi que les Allobroges disparurent, puis les Volques et d’autres. Les Gaulois du centre, eux, témoignaient d’une grande attirance pour la Gaule cisalpine, et il n’y eut bientôt plus de différence entre eux et les Cisalpins.
La situation se perpétua avec plus ou moins d’échanges et de migrations jusqu’en 407, quand déferlèrent des hordes de Francs, de Germains donc, qui donnèrent leur nom à la future France, de Wisigoths, venus du sud-ouest, d’Alamans et de Burgondes.
Astérix aurait eu de la peine à s’y retrouver. Et nos ancêtres étaient perdus dans la foule.
À vrai dire, la Gaule avait déjà disparu depuis belle lurette.
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Dans la légende dorée de la Gaule, matrice de la France, le sacre de Clovis à Reims, en 498, marque la naissance de la France chrétienne, fille de la Gaule. Las, ce gamin de quinze ans, Chlodovech, qui se trouve à la tête du petit royaume des Francs Saliens (7) , parents pauvres des Francs Ripuaires, est un Germain, comme les Wisigoths, les Burgondes ou les Alamans. Ce ne serait certes pas lui qui se réclamerait des Gaulois, celtiques, comme ancêtres. Et, tout au long du VI e siècle, on peinerait à retrouver ce qui peut subsister de la Gaule mythique dans le formidable brassage de royaumes qui s’opère en France de 460 à 507. Que le lecteur se rassure ; nous ne déroberons pas son siège à l’instituteur pour raconter l’histoire du Haut Moyen Âge ; il y faudrait d’ailleurs tout un volume. Mais qu’on se borne à jeter un coup d’œil sur une carte de la France trente ans avant le sacre de Clovis : les Wisigoths en occupent tout le sud-ouest, Béarn et Languedoc ; les Suèves sont maîtres de la Gascogne ; les Francs dominent le nord-ouest : Bretagne, Normandie, Anjou, Maine, Orléanais, Poitou, Saintonge, Marche, Bourbonnais, Champagne, Picardie, Artois et une bonne partie de la Belgique actuelle. Le royaume des Burgondes englobe la Bourgogne, la Franche-Comté, le Dauphiné et le Lyonnais ; enfin, les Ostrogoths occupent la Provence.
Les fortes connotations ethniques, c’est-à-dire
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