4 000 ans de mystifications historiques
une partie de la Suisse.
Telle était l’antique Gallia. Ses habitants parlaient des dialectes celtiques. Ils étaient constitués de trois peuples principaux, les Aquitains au sud, les Gaulois au centre et les Belges au nord. Ils se diversifiaient en de nombreuses tribus : les Helvètes, les Séquanes et les Aèdes dans les bassins du Rhône et de la Saône ; les Arvernes dans les Cévennes ; les Sénones et les Carnutes dans le bassin de la Loire ; les Vénètes et autres tribus armoricaines aux embouchures de la Loire et de la Seine. Ceux-là étaient des Celtes. Les Nervis, les Bellovaques, les Suèces, les Rèmes, les Morins, les Ménapes et les Aduapes étaient des Belges. Les Tarbelles et d’autres tribus composaient les Aquitains.
L’inventaire a été ici très abrégé. Ainsi Amiens conserve le souvenir des lointains Ambiens ; Paris, des Parisis ; Rheims, des Rèmes ; Soissons, des Suèces. Les Namnètes partageaient la Bretagne avec les Vénètes (que l’on retrouvera plus tard… en Vénétie), le Marais poitevin appartenait aux Pictes, les Aulerques, les Carnutes et les Séquanes s’étaient fixés dans l’Île-de-France. Les Arvernes avaient poussé jusqu’au Languedoc, où ils cohabitaient avec les Volques. Les Avars occupaient la future Bourges et les Hèques et les Bituriges, le Cantal. Les Allobroges s’étaient, avant de disparaître, aventurés dans le sud-est, rejoignant les Voconces, Helvètes et Lingons…
Et n’oublions pas que Marseille et sa région étaient grecques depuis le VII e siècle av. J.-C.
Il y faudrait un annuaire. Il y avait décidément beaucoup d’étrangers autour d’Astérix.
Jules César résuma cette diversité en ces termes : « L’ensemble de la Gaule est divisé en trois parties : l’une est habitée par les Belges, l’autre par les Aquitains, la troisième par le peuple qui, dans sa langue, se nomme Celte et dans la nôtre, Gaulois. »
Ces tribus ne constituaient évidemment pas une nation au sens donné de nos jours à ce mot : elles n’avaient pas de langue ni de lois communes, et elles n’avaient pas non plus de chef unique ; la royauté de Celtillos, l’Arverne père de Vercingétorix, fut brève, et s’il faut chercher une ébauche de système politique unissant les tribus gauloises, ce sera celui d’un conseil tribal. Il n’existe pas la moindre trace d’une quelconque conscience de former une nation. Leur seul lien était la religion, et la seule autorité qu’ils reconnaissaient était celle des druides. Jules César l’avait compris et comme il savait que les grands dignitaires druidiques siégeaient outre-Manche, ce fut là-bas qu’il décida d’aller les réduire en sujétion. Sans grand succès, d’ailleurs.
Les invasions franques, à la fin du III e siècle, modifièrent considérablement la répartition décrite plus haut, et ce furent elles qui esquissèrent les origines de la France.
La formule « Nos ancêtres les Gaulois » est donc un contresens si l’on veut désigner les fondateurs de la France, car les Francs, des Germains, et les Gaulois forment deux entités distinctes.
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À partir du second Empire apparaît une tendance à créer un mythe gaulois ; celui-ci se constituera autour de Vercingétorix, qui occupe une place de choix dans l’imaginaire français, en raison de celle que lui consacre César dans ses Commentaires sur la guerre des Gaules : ce jeune homme de la classe nobiliaire gauloise aura trois fois défié les armées romaines en –52, à Bourges, Gergovie et Alésia, mais la dernière lui aura été fatale : César l’y capturera et l’emmènera à Rome, où le malheureux vaincu croupira six ans dans un cachot obscur avant d’être étranglé.
L’épopée de Vercingétorix n’a duré que neuf mois de cette année –52, mais l’imagination impériale s’en empara comme d’un symbole et l’instruction publique républicaine reprit le mythe et l’amplifia jusqu’à l’absurde. Vichy le hissa au niveau d’un symbole de la vraie France… et la Libération en fit le héros de la Résistance.
Elle commença par fabriquer une image physique du héros : grand, blond, chevelu, moustachu, hérissé d’armes et le regard terrible ; c’est l’image que propose la statue de bronze érigée en 1865 au sommet du mont Auxois, bardée d’armes anachroniques (elles vont de l’âge de bronze à l’époque mérovingienne !). Or, le seul historien connu qui l’ait
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