Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
4 000 ans de mystifications historiques

4 000 ans de mystifications historiques

Titel: 4 000 ans de mystifications historiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gérald Messadié
Vom Netzwerk:
n’est autre que Charlemagne et son influence est donc considérable. Au XII e siècle, les Chroniques de saint Denis relatant l’exploit de Poitiers décrivent la bande de pillards d’Abd el-Rahman comme une armée partie à la conquête de la France et de l’Occident. La renommée de Charles Martel conforte une campagne de Rome contre les religions étrangères et les hérésies telles que l’arianisme ; à ce titre, elle ne faiblira jamais.
    L’exploitation patriotique et nationaliste de la « bataille de Poitiers » ne pouvait tarder. Dans les manuels scolaires de la fin du XIX e siècle, l’épisode devient le symbole de la défense du territoire national contre les mécréants. On croit déjà entendre en arrière-fond le vers sanguinaire de La Marseillaise , « Qu’un sang impur abreuve nos sillons ». L’exagération se justifie alors par l’expansion coloniale en cours.
    L’assaut de Poitiers a fait deux fois mouche. Elle ne sert plus désormais qu’à attiser l’islamophobie, c’est-à-dire à dresser une mythologie contre une autre.

VI e - VIII e siècles
    Les rois mérovingiens puis carolingiens étaient-ils polygames ?
    La mémoire humaine, et même celle des historiens, souffre souvent d’amnésies sélectives. Ainsi, au XXI e siècle et depuis au moins dix siècles, la polygamie est unanimement considérée en Occident comme une aberration archaïque, quasiment un signe d’arriération civile, sinon de barbarie. Interdite par la totalité des lois occidentales, elle est considérée comme étrangère à la civilisation de l’Occident.
    On surprendrait donc plus d’un contemporain en lui rappelant que tous les rois qui régnèrent sur le territoire actuellement appelé France, des Mérovingiens aux Carolingiens, du VI e au VIII e siècle, furent polygames. Mais ce point étant nuisible à l’image des premiers monarques de France, comme à celle de l’autorité, il est discrètement éludé.
    La lecture du célèbre mémorialiste de l’époque, Grégoire de Tours, auteur de l’ Histoire des Francs , est à cet égard aussi divertissante qu’une pièce de Feydeau. On y apprend que lorsque Ingonde pria son époux Clotaire, roi de Soissons et l’un des quatre fils de Clovis, de trouver un mari riche et intelligent pour sa sœur Aregonde, Clotaire courut chez celle-ci pour lui proposer le mariage. À son retour au palais, il déclara à sa première épouse : « En cherchant l’homme riche et intelligent que je devrais marier à ta sœur, je n’ai rien trouvé de mieux que moi-même. »
    Clotaire eut sept fils ; on ne parle bizarrement pas des filles – Ingonde, Aregonde, Chunsine, Radegonde, Gondieuque (veuve de son frère Clodomir, roi d’Orléans) et Waldrade (ex-épouse d’un cousin, Theodebald). Après la révolte de Thuringe, sur laquelle régnait son père, et l’exécution de son frère par Clotaire en 555, Radegonde fuit la cour : consacrée diaconesse par saint Médard, elle fonda à Poitiers l’abbaye de la Sainte-Croix, où repose un fragment de la Vraie Croix que lui a envoyé l’empereur de Byzance. Cette rescapée du harem sera canonisée et elle est la sainte patronne de Poitiers.
    Les frères de Clotaire, Thierry, roi de Reims, Clodomir et Childebert, roi de Paris, ne firent pas moins bien. Ni les quatre fils qui se partagèrent – sauvagement – son royaume, Caribert, Gontran, Chilpéric et Sigebert. Ainsi, Gontran, roi de Bourgogne, épouse d’abord Vénérande, puis Marcatrude et enfin Austrigilde, surnommée Bobilla. Il faut préciser qu’entre-temps Marcatrude a été répudiée et qu’elle en est morte. Caribert aussi a eu quatre épouses, mais il ne laisse qu’une fille en descendance. Le pire des quatre fils, du point de vue conjugal et politique, est Chilpéric : marié à Audevère, il la répudie pour épouser Galswinthe, fille aînée du roi des Wisigoths. Las, un an plus tard, elle est retrouvée étranglée dans son lit (le meurtrier est son propre mari) et c’est l’infâme Frédégonde qui lui succède ; elle fait assassiner la première femme de Chilpéric, Audevère, et ses deux enfants, puis elle fait assassiner Sigebert, son beau-frère. Chilpéric aussi meurt assassiné.
    Cette polygamie royale et sanglante s’est perpétuée tout au long des règnes des Mérovingiens, puis des Carolingiens : Charlemagne a eu neuf épouses, qui lui ont donné dix-neuf enfants, mais à sa mort un seul survit, Louis, qui sera

Weitere Kostenlose Bücher