4 000 ans de mystifications historiques
accomplir leurs volontés.
C’est une forme d’autosuggestion qu’on a vu apparaître au cours de l’histoire : les héros ne le deviennent que s’ils se coulent dans le moule que le sentiment populaire leur a préparé. Et l’on verra plus bas que l’imposture n’était pas si rare à l’époque (13) .
La Dame des Armoises ne fut pas la dernière réincarnation de Jeanne d’Arc : on en compta trois autres dans la région de Saumur. En 1456, année de l’annulation de la condamnation de Jeanne comme hérétique, une quatrième apparut au Mans – elle voulait qu’on l’appelât la Pucelle du Mans – et se disait inspirée par Jeanne d’Arc.
Nous l’avons dit au début de cet ouvrage : les mythes sont tenaces. Jeanne d’Arc n’avait peut-être même pas existé.
1440
L’escroquerie de la Donation de Constantin, dénoncée puis « oubliée »
En 1440, un petit séisme secoua la chrétienté et le Vatican. Un grand humaniste romain, Lorenzo Valla, avait osé publier une dénonciation de la Donation de Constantin, document fondamental par lequel l’empereur Constantin (306-337) léguait au pape Sylvestre I er , dix-neuvième pontife (314-335), la pleine souveraineté sur Rome, l’Italie et l’Occident, fondant également la primauté de l’Église de Rome sur les quatre sièges principaux d’Antioche, d’Alexandrie, de Constantinople et de Jérusalem.
Les papes revendiquaient en effet la souveraineté temporelle aussi bien que spirituelle du monde connu, et tout le Moyen Âge l’avait admise. Selon ce document, les empereurs, rois, princes et autres seigneurs n’étaient que des lieutenants des souverains pontifes. Telle fut la raison pour laquelle l’évêque de Rome entretenait une véritable armée. En 754, d’ailleurs, au cours d’une visite à Rome, Pépin le Bref, père de Charlemagne, avait confirmé la fameuse donation.
Valla apostrophait le pape en exercice, Eugène IV, en termes assez vifs, surtout pour l’époque. Mais, surtout, il introduisait en histoire l’expertise des documents : la langue, démontrait-il, ne pouvait être celle de l’époque de Constantin, c’était du bas latin du VIII e siècle. Les données historiques en étaient fausses : ainsi, il n’existait pas à Rome, au IV e siècle, d’église des saints Pierre et Paul, l’un des nombreux monuments légués par Constantin. Enfin, Constantin ne disposait pas du pouvoir juridique pour faire un tel legs. Argument final, cette donation était absurde : « Je ne peux croire que quelqu’un dans son bon sens agisse ainsi. »
Le texte de la fameuse donation comportait, il est vrai, des passages étonnants de ridicule : « […] Pour que la gloire pontificale brille du plus vif éclat, nous décrétons que les saints clercs de cette sainte Église romaine chevauchent des chevaux ornés de housses et de draps, c’est-à-dire ornés de la plus éclatante blancheur […]
« Doux Jésus ! Tu ne répondras donc pas du haut des cieux à cet imbécile qui déroule ses phrases dans une langue barbare ? tonna Valla. Tu ne lanceras donc pas contre un tel blasphème ta foudre vengeresse ? »
Autant dire que l’Église se rendait coupable d’imposture depuis des siècles et tirait profit d’un faux grossier ; autant dire également qu’elle se rendait coupable d’escroquerie. Le scandale fut énorme : Valla fut convoqué par le tribunal de l’Inquisition et il y aurait laissé la vie n’eussent été la protection et l’intervention d’Alphonse V d’Aragon, souverain puissant. Il parvint à s’enfuir à Barcelone sous un déguisement.
Les répercussions de sa dénonciation pour la politique de l’Église eussent dû être considérables : il n’en fut rien. La dénonciation fut promptement oubliée. Après la mort d’Eugène IV, en 1447, Valla retourna à Rome et entra dans les bonnes grâces du nouveau pape, Nicolas V, qui le nomma secrétaire apostolique. Puis le pape suivant, Calixte III, nomma même Valla à la Curie.
La fausse Donation de Constantin fut parfois évoquée au cours des siècles suivants, sans grande conséquence ; elle perdit tout intérêt politique en 1929, quand Mussolini réduisit le pouvoir temporel de la papauté au seul territoire du Vatican.
C’est un exemple de la primauté de l’opinion sur les faits. Et aussi un bel exemple de mystification (14) .
1487
Le faux Warwick et le faux Richard
de la guerre des Deux-Roses
Il est souvent
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