4 000 ans de mystifications historiques
des mythes les plus tenaces de la culture occidentale.
L’inventaire des terres découvertes est à peu près indiscutable :
– lors du premier voyage, le vendredi 12 octobre 1492, à 2 heures du matin : l’île de San Salvador (Guanahani pour les aborigènes), puis Santa Maria de la Concepcion (actuellement Rum Cay), Fernandina (Long Island des Bahamas), Isabella (Crooked Island), Juana (Cuba) et Hispaniola (Haïti et Saint-Domingue) ;
– deuxième voyage, le dimanche 3 novembre 1493 : la Dominique, puis Marie-Galante, la Guadeloupe, Montserrat, Antigua, Saint-Martin, les Îles Vierges et San Juan Bautista (Porto-Rico) ; le 3 mai 1494 : Sant’Jago (la Jamaïque, Xamaïca en indien) ;
– troisième voyage, le 6 juillet 1498 : Trinidad, Tobago, la Grenade et la Margarita, au large du Venezuela ;
– quatrième voyage, le dimanche de l’Épiphanie 1503, 3 janvier : une tempête le pousse dans l’embouchure du fleuve Veragua, au Honduras, et il y fonde une colonie pour l’extraction de l’or, très abondant. C’est le seul territoire du continent américain sur lequel Colomb mette le pied. Il ne pousse pas plus loin sa reconnaissance de la région. À la fin mars, il repart pour l’Espagne.
Colomb a découvert plusieurs îles des Antilles et des Caraïbes, mais celles-ci ne sont pas les Amériques. La seule fois qu’il a aperçu le continent sud-américain, c’est à l’embouchure de l’Orénoque, le 1 er août 1498 ; la masse d’eaux douces qui se déversait dans l’océan eût dû retenir son attention. Tel ne fut pas le cas : il jugea que les terres à l’horizon étaient une île sans intérêt, qu’il nomma Isla Santa.
On pourrait avancer que Colomb ouvrit la voie à la découverte des Amériques, mais ce n’est pas non plus le cas au sens strict.
Le premier homme qui, à la connaissance de l’Occident, mit pied sur le continent américain fut un jeune navigateur qui chercha pendant des mois à entrer en rapport avec lui ; il se nommait Amerigo Vespucci et, paradoxe, ce fut lui qui donna son prénom aux Amériques, mais il est pourtant bien moins célèbre que Colomb.
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Taxer Colomb d’inintelligence serait juger le passé avec les yeux du présent. Le goût du savoir pour le savoir n’était pas son fait. L’homme ne peut être rangé dans la catégorie des Bougainville, Cook, Scott ou Amundsen : il était avant tout un aventurier, la tête emplie des récits mirifiques de Marco Polo et rêvant de fortunes dans des terres inconnues. À son époque, bien des gens croyaient encore que la Terre était plate.
Et il n’en existait pas de cartes fiables, seulement des portulans réalisés d’après les journaux de bord et les rapports de marins qui n’avaient même pas les instruments nécessaires pour établir des relevés exacts : l’art de fixer une longitude ne fut introduit qu’au XVIII e siècle. En 1479, Colomb travaillait, pour gagner sa vie, à copier et améliorer des cartes et portulans, dont plusieurs provenaient de son beau-père, Bartolome Perestrello, un capitaine au service du célèbre Portugais Henri le Navigateur. Il avait fait des études d’astronomie, de géométrie et de cosmographie à l’université de Pavie, et n’était certes pas peu qualifié pour ce travail. Persuadé à juste titre que la Terre était ronde, il conçut l’idée qu’il était possible de rallier l’Asie par l’ouest, en traversant l’océan.
Et ici, les hypothèses ou quasi-hypothèses prennent le pas sur les certitudes.
Celle qui s’impose par-dessus les autres est que les navigateurs de l’époque soupçonnaient l’existence de terres à l’ouest de l’Atlantique depuis de nombreuses années. Ainsi, une carte d’Andrea Bianco de 1448 représentait une Ixola Otitincha X e Longa a Ponente 1500 mia (« une île véritable au ponant à mille cinq cents milles d’ici », c’est-à-dire de l’Afrique de l’Ouest).
Cette « île », à quelque deux mille sept cents kilomètres de l’Afrique de l’Ouest ne pouvait être que le Brésil. L’Amérique du Sud était donc connue bien des années avant Colomb et Vespucci.
Trois notes dans le journal de bord du voyage de 1492, dont la plus précise est à la date du 19 septembre, indiquent que Colomb n’avançait pas au hasard, mais qu’il avait bien vu les cartes révélant des îles dans l’Atlantique occidental, notamment Porto Rico. L’une de ces cartes, celle de Cristobal Soligo, datant de
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