Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
4 000 ans de mystifications historiques

4 000 ans de mystifications historiques

Titel: 4 000 ans de mystifications historiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gérald Messadié
Vom Netzwerk:
intelligence inférieure. Ils étaient certainement moins instruits – l’imprimerie n’avait pas encore commencé à diffuser le savoir par les livres – et donc plus naïfs. Mais, au contraire de ce qu’on croit, cela affinait l’intuition et aiguisait la méfiance. L’argument d’une jobardise universelle ne semble donc pas recevable. Au XXI e siècle, Bernard Madoff a donné pendant des années l’illusion d’un financier rusé et hautement honorable ; cela lui permit d’abuser la confiance de gens qui étaient certainement avisés en affaires et qui pourtant brûlaient de lui confier leurs avoirs ; il escroqua ainsi une cinquantaine de milliards de dollars qui ont disparu en fumée. Aucune époque n’a le privilège de la jobardise.
    La propre famille de Jeanne d’Arc, Charles VII et Gilles de Rais, qui avaient bien connu l’héroïne, à la différence des autres, tels les échevins d’Orléans, ne dénoncèrent pas la Dame des Armoises. Furent-ils dupes ? Ou ne furent-ils pas plutôt dupes d’eux-mêmes ? Ou bien encore ne feignirent-ils pas de croire à la Dame des Armoises pour des raisons inavouées ?
    Jeanne Ramée, la mère de la vraie Jeanne supposée, aurait peut-être été bouleversée de revoir une fille qu’on lui disait morte de façon atroce. Elle était âgée, peut-être n’y voyait-elle plus très clair et l’émotion brouilla son entendement.
    De son frère Jean, on ne sait rien, mais selon certaines hypothèses, il aurait monté la mystification en se servant de la ressemblance de Catherine avec sa sœur Jeanne. Cela expliquerait que la Dame des Armoises ait pu donner des détails troublants d’exactitude sur son enfance et sa jeunesse à Domrémy. Il se trouve cependant que Catherine avait épousé en 1430 le laboureur Colin de Greux et qu’elle mourut peu de temps après. Cela ne concorde d’aucune façon avec les vagabondages de la ribaude dite Dame des Armoises.
    Quant à Pierre, il était notoirement à court d’argent. On ne peut exclure que, après la donation des échevins d’Orléans, il ait espéré tirer parti de la « miraculée ». On ne peut non plus excepté qu’il ait percé l’imposture, mais décidé de s’en servir.
    *
    Restent les autres. Charles VII n’avait donc vu Jeanne d’Arc qu’à quelques occasions. Elle ne faisait pas partie de sa cour ni de sa suite, et il ne pouvait juger des transformations physiques qu’elle aurait pu subir après ses épreuves et après cinq années écoulées depuis son procès. Les personnages célèbres n’étaient pas, comme ils le sont de nos jours, exposés aux feux constants dès caméras. Impossible de faire des comparaisons avec des images du passé. De surcroît, le monarque avait toujours témoigné de circonspection à l’égard de Jeanne et, on l’a vu plus haut, il n’avait rien fait pour la libérer lorsqu’elle était prisonnière. Quand elle se fut tirée du piège qu’il lui avait tendu lors de la réception à Chinon, il la laissa repartir sans plus d’intérêt. Elle ne pouvait plus lui être utile, qu’importait si elle avait échappé au bûcher ou si c’était une aventurière. Elle n’aurait plus de rôle à jouer dans sa destinée.
    Incidemment, cela en dit long sur la stature nationale de Jeanne d’Arc, que l’histoire a bâtie dans les siècles suivants. Si elle était une héroïne dans le royaume des Valois, elle ne l’était pas partout.
    Gilles de Rais n’était guère amateur de femmes et, la plupart du temps, il n’avait vu Jeanne qu’au combat, casquée et masquée. Cela relevait du diable de pouvoir la reconnaître cinq ans plus tard. Tout le monde tenait que c’était bien celle aux côtés de laquelle il s’était battu, il crut peut-être à la fable de la substitution et accueillit donc noblement la menteuse.
    Les échevins, enfin, n’avaient pas vu davantage la Pucelle en dehors du combat. Ils s’étaient, sans doute naïvement, laissé abuser. Dans une époque chargée de superstition, il en fut plus d’un qui espéra sincèrement que le ciel avait volé au secours de l’héroïque Lorraine qui avait payé de sa vie la défense du roi et du royaume.
    *
    L’imposture de la Dame des Armoises en apprend au moins autant que les faits sur l’histoire de Jeanne d’Arc. Comme on le verrait maintes fois dans l’histoire, le peuple avait voulu croire que les puissances célestes n’abandonneraient pas ceux qu’elles avaient délégués pour

Weitere Kostenlose Bücher