4 000 ans de mystifications historiques
difficile de résister à la compassion pour les professeurs d’histoire, anglais en l’occurrence, lorsqu’ils doivent enseigner des chapitres aussi embrouillés que la guerre des Deux-Roses. Seuls quelques amateurs de romans de chevalerie, comme ceux de Walter Scott (1771-1832), connaissent ce long épisode, pourtant crucial dans l’histoire d’Angleterre, et les plus férus de précision évoqueront à ce sujet la rose blanche d’York et la rose rouge de Lancaster, symboles des deux clans qui s’étripèrent durant un demi-siècle pour s’emparer du pouvoir. Information incomplète : l’emblème de Richard d’York était le faucon et le cadenas, celui d’Édouard IV d’York était la « rose en soleil ». Les « Deux-Roses » ne sont qu’une appellation de convention.
La guerre en question, qui dura quatre règnes – ceux d’Henri VI, d’Édouard IV, de Richard III et d’Henri VII –, de 1426 à 1509, fut une succession ininterrompue d’intrigues, de trahisons, d’assassinats, de massacres et d’empoignades meurtrières entre des bandes de ruffians et de soudards réchappés de la guerre de Cent Ans, menées par des seigneurs locaux auprès desquels les chefs de gangs modernes feraient figure de gandins. Tout le talent de Shakespeare n’a fait que brosser d’une main légère l’effroyable violence de l’époque. Ce fut aussi une histoire touffue. Telle est la raison pour laquelle, cinq siècles plus tard, des historiens s’efforcent encore de l’expliquer.
L’épisode qui fait l’objet de ce chapitre est celui d’une double et extravagante imposture.
En 1485, Henry, comte de Richmond et futur Henri VII, tentait de conquérir la couronne à son retour de France ; il affrontait alors deux ennemis, les Plantagenêts, qui tentaient de récupérer leur couronne, et le roi usurpateur Richard III. Et il avait fait emprisonner dans la Tour de Londres les deux héritiers putatifs, les célèbres enfants d’Édouard – en fait ses neveux –, l’un prénommé également Édouard et comte de Warwick, l’autre prénommé Richard, comte d’York.
En 1487 apparut un jeune homme autour duquel se forma rapidement une coalition menaçante : il prétendait être Édouard, comte de Warwick. Il était financé par Marguerite de Bourgogne, sœur d’Édouard V et, fait remarquable, l’héritier de l’usurpateur Richard III, John de la Pole, se rallia à lui. Les partisans d’York se rassemblèrent autour de lui et leur armée gagna l’Irlande ; celle-ci nomma Édouard roi et il se prépara à envahir l’Angleterre. Lui et ses troupes débarquèrent et se battirent à Stoke contre l’armée d’Henry, entre-temps couronné. Édouard fut fait prisonnier.
Or, il n’était nullement le comte de Warwick, toujours prisonnier de la tour de Londres, mais un garçon de la bourgeoisie nommé Lambert Simnel. Dans un acte de magnanimité rare, Henri VII le prit en sympathie et l’engagea dans le personnel de ses cuisines en tant que gâte-sauce. Ce fut à coup sûr l’unique fois dans l’histoire qu’on vit un mitron couronné. Mais la seule également où deux frères firent séparément l’objet d’impostures.
Ne s’avouant pas défaite par la capture de Simnel, Marguerite de Bourgogne finança un autre jeune homme, Perkin Warbeck, qui prétendit, lui, qu’il était l’autre prisonnier de la tour de Londres, Richard d’York. Celui-ci donna plus de fil à retordre à Henri VII. Il jouissait, en effet, d’un vaste soutien européen, celui de Maximilien, régent des Flandres, et de Jacques IV d’Écosse, et il compliqua sérieusement la politique étrangère d’Henri VII, qui ne put jamais convaincre ses ennemis que Warbeck était un imposteur. Mais, en 1499, le roi parvint enfin à s’emparer de lui et le fit décapiter à la tour de Londres en même temps que le vrai Warwick.
La tromperie de Warbeck avait pris des proportions internationales et, s’il avait échappé à la capture, peut-être serait-il devenu vrai roi d’Angleterre… sous le nom de Richard IV.
Cette imposture donne ainsi à réfléchir sur les mystifications de ceux qui ont conquis le pouvoir en leur nom propre.
1492
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