4 000 ans de mystifications historiques
château de Beaurevoir. Bizarre : la duchesse était morte en 1430…
On l’interrogea évidemment sur les péripéties qui lui auraient permis de survivre ; elle raconta qu’on lui avait substitué une autre condamnée et que les soldats anglais avaient tenu le public à bonne distance du bûcher, afin qu’on ne s’en aperçût pas. Et quel aurait été le motif de cette substitution ? Un calcul politique des Anglais, qui auraient échangé la prisonnière contre des concessions. Lesquelles ? Mystère. Certains furent probablement prompts à croire que l’indifférence de Charles VII à l’égard de sa libératrice n’avait été que feinte.
L’épreuve cruciale attendait la fausse Jeanne : comme elle voyageait dans son pays natal, près de Domrémy, la vraie famille d’Arc demanda à voir celle qui signait ses écrits « Jeanne du Lys », puisque sa famille avait été anoblie. Ses frères Jean et Pierre coururent à sa rencontre. Cela se passait en public. Et, étrangement, les deux hommes ne manifestèrent pas d’autre émotion que celle de revoir leur sœur héroïque.
Puis sa mère, Isabelle Romée, ne la renia pas quand sa fausse fille lui rendit visite. Cela équivalait à un adoubement.
À Orléans, les échevins la reçurent en grande pompe et lui remirent une grosse bourse d’argent, pour la remercier d’avoir sauvé la ville.
Assuré de la clairvoyance surnaturelle de celle qu’il prenait pour la Pucelle, le comte Ulrich de Wurtemberg l’emmena à Cologne, pour qu’elle désignât celui de deux prélats qui devait occuper le siège épiscopal, Udalric de Manderscheidt et Raban de Helmstadt. Elle choisit le premier. Hélas, à quelques jours de là, le concile de Bâle le voua à l’ignominie en déclarant que c’était un imposteur.
N’importe : elle était protégée par son aura. Elle s’aventura à faire des miracles. Des esprits sourcilleux les trouvèrent suspects de magie, et l’inquisiteur de Mayence, qui ne croyait sans doute pas à l’identité de la donzelle, l’excommunia. Elle se réfugia au château d’Arlon et y fit la connaissance de l’accort Robert des Armoises, comte de Tichemont ; elle l’épousa et lui donna deux enfants. Elle y gagna son titre de Dame des Armoises (elle se prénommait en réalité Claude). La fidélité n’étant pas son fort, elle quitta bientôt son mari pour un clerc.
Son ancien compagnon d’armes supposé, le sinistre Gilles de Rais, maréchal de France, l’invita dans son château de Tiffauges et ne manifesta pas plus de doutes que tous ceux qui avaient fait si bon accueil à la miraculée.
Elle continuait de sillonner le pays par monts et par vaux, et Charles VII, informé de la réapparition de celle qui avait sauvé son trône, manifesta le désir de la revoir, si du moins c’était bien elle, et l’invita au château de Chinon. Il avait apparemment ses doutes, car il se dissimula parmi ses courtisans, pour vérifier qu’elle le reconnaîtrait. Elle avait été informée par un complice, car elle le repéra d’emblée et alla lui faire sa révérence. Fut-il dupe ? Amusé ? Indulgent ? On l’ignore, vu tous les mystères qui pèsent sur l’héroïne originale, mais elle se tira saine et sauve de cette épreuve. Le roi était en tout cas informé de sa désertion du foyer conjugal, car il lui enjoignit de retourner auprès de son époux.
La Dame des Armoises avait les reins chauds, la chronique de ses aventures amoureuses en était défrayée. Pour certains, ce n’était qu’une ribaude. Ces choses-là étaient alors mal vues. Au terme de quatre années de débauche, elle fut arrêtée par les archers du roi et traduite devant le Parlement de Paris pour imposture et mauvaises mœurs. Menacée de torture, elle avoua tout, sauf son vrai nom qu’elle disait ignorer. Sa peine fut légère : une journée au pilori dans la cour du palais.
Sa carrière était finie. On la retrouva en Anjou, remariée à un certain Jean Douillet, avec lequel « la dicte dame tint lieux publics », autrement dit une maison de passes. Cela lui valut d’échouer sur la paille de la prison de Saumur et, quand elle en sortit, le bon roi René la fit expulser. Là, on perd sa trace sans regret.
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Comment une « imposteuse » (le terme devrait être autorisé) mystifia-t-elle son monde pendant quatre ans ? Une image confuse mais persistante voudrait que les gens du passé aient été différents de nous, d’une
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