4 000 ans de mystifications historiques
disposaient alors d’une explication souveraine : les maléfices des suppôts de Satan. La preuve en était les six cornus vomis par Jeanne des Anges. Mais on ne peut évidemment exclure que les juges et les greffiers du procès d’Urbain Grandier aient eux-mêmes souffert d’hallucinations causées par l’ergot de seigle.
Les conditions d’entreposage du seigle se sont beaucoup améliorées. Pas la prévention des mystifications.
1687
De quel métal était le « masque de fer » ?
L’affaire de l’homme au masque de fer est traditionnellement rangée dans les énigmes historiques. Et des flots d’encre ne cessent d’en entretenir le mystère. Après quelque trois siècles de supputations savantes ou folles, l’hypothèse la plus plausible ne cesse de s’imposer : ce faux mystère doit être rangé dans les grandes mystifications.
D’abord, les faits. Le 29 avril 1687, quarante hommes en armes auraient déboulé à Grasse pour arrêter un inconnu de grande taille, lui couvrir le visage d’un masque de métal et le conduire au fort de la Croix, à Cannes. Notre inconnu aurait été ensuite mené en chaloupe au fort de l’île Sainte-Marguerite, dans les îles de Lérins. En septembre de la même année, une feuille anonyme circule sous le manteau et prétend que, avant d’être arrêté à Grasse, le mystérieux prisonnier avait été détenu douze ans au fort de Pignerol, Pinerola, dans l’actuel Piémont. Il aurait donc été en prison depuis 1675. Mais qu’en sait l’auteur de cette lettre ? C’est invérifiable et déjà suspect.
Cet informateur anonyme en dit peut-être moins qu’il n’en sait, et peut-être aussi ses motifs sont-ils d’égarer l’attention, car avant d’être envoyé à Pignerol, le personnage masqué avait été incarcéré à Dunkerque, on ne sait exactement quand. Pas avant 1662 en tout cas, car c’est cette année que cette ville avait été rachetée à l’Angleterre.
Onze ans plus tard, en 1698, notre captif aurait été conduit à la Bastille, dont M. de Saint-Mars, le même qui l’appréhenda à Grasse, venait d’être nommé gouverneur. Il aurait voyagé en litière, le visage masqué cette fois d’un loup de velours noir. Le voiturier auquel on a loué le carrosse relève que c’est un homme de grande taille. L’inconnu arrive à Paris le 18 septembre dans l’après-midi et il est incarcéré dans un cachot clair de la tour de la Bertaudière. Nul n’est autorisé à savoir son identité ; l’on chuchote que, s’il la révélait, il y perdrait la vie. Il la perd enfin le 19 novembre 1703, après un malaise en sortant de la messe, et est enterré dans le cimetière de l’église Saint-Paul sous le nom « Marchioly ». Mais cela ne veut rien dire, car les prisonniers sont à l’époque souvent inhumés sous de faux noms.
L’histoire est plus que vermoulue, car on découvrira plus tard que l’incarcération de l’inconnu aux îles de Lérins a eu lieu en 1677 et non dix ans plus tard.
S’il avait été emprisonné à Pignerol douze ans avant Lérins, donc dès 1665, sans compter l’incarcération à Dunkerque, ce malheureux aurait passé au moins trente-huit ans en prison. Presque une vie, à l’époque.
Or, l’âge estimé de l’inconnu à sa mort était de quarante-cinq ans. Il serait donc né vers 1655. Il faudrait donc en déduire qu’il avait dix ans quand il fut condamné.
Une lettre adressée à Saint-Mars par le fils de Louvois – qui succéda à son père à la mort de celui-ci, en 1691 – semblerait modifier quelque peu les données que voici : elle précise en effet que le mystérieux captif était sous la garde de Saint-Mars depuis 1671 ; datée du 13 août de cette année-là, les termes en sont nets : « […] le prisonnier qui est sous votre garde depuis vingt ans. » Or, s’il est mort à quarante-cinq ans, il aurait donc été arrêté à l’âge de treize ans.
Détail étrange : en 1694, Saint-Mars avait décrit à Louvois père son détenu comme « valétudinaire », c’est-à-dire en mauvaise santé. À trente-trois ans ? Cela ne correspond nullement à la description du prisonnier de la Bastille.
À l’évidence, quelque chose cloche dans ces récits.
*
Les hypothèses ont fait florès : on en recense au moins cinquante-deux. Nous ne rappellerons que les plus courantes.
– L’inconnu aurait été un demi-frère de Louis XIV, donc un rival éventuel. Fadaise : les reines
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