4 000 ans de mystifications historiques
instruits, riches et puissants. En témoignent également les écrits de John Jay (1745-1829), auteur des Federalist Papers avec Hamilton et Madison (20) .
Le Boston Tea Party ne fut donc pas non plus le germe de la démocratie américaine.
Il n’en reste pas moins que le mythe continue d’inspirer chez certains la nostalgie d’une époque où être américain signifiait simplement que l’on était un homme blanc et chrétien et où les femmes, les Noirs et les minorités sexuelles n’avaient pas voix au chapitre.
C’est celle qu’entend ranimer le Boston Tea Party contemporain, en titillant chez ses partisans l’impossible fiction d’un pays dont le gouvernement ne s’occuperait pas de ses affaires personnelles (entendez : ne subventionnerait pas une Sécurité sociale), bref d’un pays sans Big Government . Cette représentation passéiste, proche de l’anarchie, est exactement antinomique des principes des pères fondateurs.
Le Boston Tea Party est donc devenu un mythe que chacun interprète à sa convenance.
1778
Les momeries de M. Mesmer
Aucune histoire des charlatans ne serait complète sans une mention de Franz Anton Mesmer. Mais l’affaire de celui-ci est paradoxale, parce que, dans l’arsenal de pratiques absurdes et de propos invertébrés de ce marchand d’orviétan, gisait une once de vérité.
Illuminé, cet Autrichien né en 1734 l’était à plus d’un titre : il appartenait en effet à la secte des Illuminés de Bavière, issue d’un mouvement apparu en Espagne à la fin du XV e siècle et qui avait essaimé en France et dans plusieurs pays d’Europe. Leur doctrine confuse mêlait l’alchimie et l’astrologie à l’ésotérisme religieux. Ingolstadt, en Allemagne, où Mesmer acquit ses diplômes de médecin, en était un centre. Mais mystificateur, Mesmer l’était certes également. Il monnayait en effet ses services pour un traitement ainsi administré : les patients s’asseyaient autour d’un grand baquet dont jaillissaient des tiges de fer recourbées que l’on s’appliquait sur la partie du corps présumée souffrante. De surcroît, les patients tenaient une corde par laquelle circulait le fluide de Mesmer. Celui-ci faisait également boire à ses clients de l’« eau magnétisée », arguant qu’un fluide mystérieux venu des étoiles ranimait les esprits malades.
Quelque primitive que fût encore la médecine à la fin du XVIII e siècle, aucun de ses diplômés n’aurait accordé le moindre crédit à cette méthode, pour la bonne raison qu’elle ne comportait pas non plus le moindre fondement. Le fameux baquet ne contenait que des bouteilles remplies d’eau, de verre pilé ou de limaille de fer.
Aussi Mesmer avait-il été expulsé d’Autriche en 1778 et s’était-il installé à Paris, où il y avait nombre de gens riches et pas moins de jobards qu’ailleurs. Car Mesmer, lui-même marié à une femme fortunée, n’acceptait que des patients qui l’étaient aussi.
On comptait surtout des femmes dans sa pratique et leurs symptômes étaient déconcertants par leur nature : elles se convulsaient, souffraient de palpitations et de sueurs, roulaient des yeux, criaient ou riaient. Charcot n’étudierait l’hystérie qu’un siècle plus tard ; il aurait eu fort à faire au luxueux hôtel Bouret, place Louis-le-Grand, l’actuelle place Vendôme, où Mesmer recevait ses clients et les traitait aussi par des discours apaisants en agitant un hochet devant leurs yeux.
L’aristocratie était-elle donc constituée de faibles d’esprit ? Non, car on signalait des cas de guérison des fameux symptômes. Ils étaient rares, mais ils existaient. Quand en 1784 Louis XVI, agacé des rumeurs qui couraient Paris sur Mesmer, chargea les académies des sciences et de médecine d’y mettre bon ordre, celles-ci formèrent une commission d’examen. Benjamin Franklin en fit partie. Il constata les guérisons, rejeta l’idée qu’elles pouvaient être attribuées au magnétisme animal ou céleste et postula l’existence d’une cause inconnue.
On finit bien plus tard par l’identifier : c’était l’hypnotisme, souvent efficace sur l’hystérie. À l’insu de Mesmer, ses discours apaisants avaient calmé certaines patientes. Mais les hommes de l’art français avaient été indisposés par les momeries de Mesmer. Ils le prièrent de quitter le territoire. L’on avait assez de charlatans à Paris, avec des personnages comme Cagliostro,
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