4 000 ans de mystifications historiques
mêlé au scandale de l’affaire du collier. Mesmer déguerpit donc. Il mourut solitaire et à demi ruiné près de son village natal, en 1815, l’année de l’abdication de Napoléon. Les bénéfices de l’hypnose ne seraient constatés qu’un siècle plus tard. Ce faiseur avait quand même trouvé quelque chose. Peut-être avait-il flairé les pouvoirs de l’autosuggestion (21) .
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Le plus déconcertant de ces histoires de fluide est que, dans les années 1960, un théoricien autrichien, Wilhelm Reich, mort en 1957 aux États-Unis, en prison pour escroquerie, connut un regain inattendu de popularité. Auteur de L’Analyse caractérielle , de La Psychologie de masse du fascisme , de La Révolution sexuelle , ce psychanalyste pour le moins original avait ranimé les idées de Mesmer sur le fluide universel. Il avait inventé des appareils qu’il appelait des « accumulateurs d’orgone », nouveau nom de ce fluide, qu’il « utilisait » dans les cures d’« orgonothérapie » qui motivèrent son arrestation. Il n’a pas été prouvé que Reich ait été un mystificateur, au sens juridique de ce terme, c’est-à-dire un escroc, mais l’orgonothérapie n’a jamais reçu l’aval d’aucune autorité scientifique et, jusqu’à plus ample informé, c’est une de ces innombrables élucubrations qui foisonnent dans les « médecines parallèles ». Son succès à l’époque donne cependant à penser que les mythes se révèlent parfois plus résistants que leurs démentis par les faits.
1784
L’affaire du collier de la reine :
une escroquerie qui finit en intox
On n’en finira pas de traduire Marie-Antoinette en jugement. Quand on l’informa que le peuple manquait de pain, elle aurait laissé tomber : « Qu’ils mangent donc de la brioche. » Elle ne l’a jamais dit. D’ailleurs, elle était reine, tare fondamentale, elle n’avait pas droit à la justice, ni celle de son temps, ni celle des siècles ultérieurs et encore moins celle des historiens républicains : aucun d’eux n’admit que son exécution et les souffrances qui la précédèrent ne contribuèrent aucunement à l’essor du peuple français.
On peut ainsi lire dans un dictionnaire du XX e siècle que « sa manière de vivre à Versailles dans le luxe et les fêtes, entourée d’une coterie d’aristocrates avides, dont son amant le Suédois Axel de Fersen, lui valut le sobriquet de “Madame Déficit” » et que « l’affaire du collier acheva de la rendre impopulaire ».
Or, elle était totalement innocente.
Tout cela commença quand deux bijoutiers hongrois, Böhmer et Bassenge, se mirent à écumer Paris pour vendre un collier extravagant de 647 diamants (2 840 carats), véritable harnais de cheval, dont ils demandaient une somme tout aussi délirante, 1 600 000 livres. Ils l’avaient déjà proposé à Louis XV pour Madame du Barry, mais en vain. Puis ils avaient entrepris Louis XVI, mais celui-ci les avait éconduits avec plus de sagesse qu’on ne lui en prête : « La France a plus besoin de vaisseaux que de bijoux. » Ils pressentirent alors une aventurière qui se disait Jeanne de Valois, comtesse de La Motte – le nom est véri-dique – et descendante présumée d’un bâtard d’Henri II ; elle avait ses entrées à Versailles (tout le monde les avait, pourvu que sa mise fût convenable), ils la prièrent donc de soumettre le collier à Marie-Antoinette. Mais celle-ci l’avait déjà refusé. « Ne m’en parlez plus », avait-elle déclaré sèchement aux deux marchands. Ce qui prouve incidemment qu’elle n’était pas l’évaporée dépensière qu’on a dit.
Jeanne de La Motte décida alors de s’emparer du joyau en exploitant la vanité et la crédulité du cardinal prince de Rohan, grand aumônier de Versailles. Il n’était pas bien en cour et s’en désolait. Aussi, quand il avait été ambassadeur à Vienne, ce prélat avait indisposé la cour impériale par ses coucheries tapageuses, et Marie-Antoinette avait emporté avec elle ses préjugés contre l’ecclésiastique coureur de jupons. La Motte parvint à le persuader d’acheter le collier en catimini pour le compte de la reine, dont elle se prétendait familière. Il le paierait par traites garanties par Marie-Antoinette, assurait-elle. Un protocole de vente fut accepté par Böhmer et Bassenge, orné de fausses signatures de la souveraine. Tout alla bien pendant quelques mois, Rohan paya les premières
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