Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
4 000 ans de mystifications historiques

4 000 ans de mystifications historiques

Titel: 4 000 ans de mystifications historiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gérald Messadié
Vom Netzwerk:
métropolite d’Irkoutsk, sur le lac Baïkal, à un millier de kilomètres de là, qui le pria de lui rendre visite.
    Quand Kouzmitch arriva, le métropolite poussa un cri de surprise, écarta les bras et, à l’étonnement des témoins, se prosterna devant son visiteur. Kouzmitch le releva et lui donna le baiser de paix. Les deux hommes s’enfermèrent ensuite et nul ne sut rien de la longue conversation qu’ils eurent.
    Dès lors, ce fut le métropolite qui se rendit à Tomsk pour rendre visite à Fyodor Kouzmitch. Les habitants de Tomsk en déduisirent que le saint homme était sans doute un prélat de haut rang. « Je ne suis qu’un laïc », déclara-t-il.
    Mais il n’était certes pas un homme ordinaire : il parlait le français et l’anglais et ses manières révélaient assez qu’il avait connu l’étiquette de la cour. La propreté de sa mise, sa barbe et ses cheveux soigneusement peignés le différenciaient aussi des autres staretzi , généralement hirsutes. Plus extraordinaire encore, il se laissait parfois à évoquer l’entrée des troupes alliées à Paris, après la défaite de Napoléon.
    Un jour, des soldats menant une troupe de bagnards à Nertchinsk passa devant l’isba de Kouzmitch et leur lieutenant, apercevant celui-ci, s’écria : « Par Dieu ! Mais c’est notre petit père Alexandre ! C’est le tsar, Alexandre Pavlovitch ! »
    Le monarque était mort depuis des années, et c’était son frère cadet Nicolas I er qui, à contrecœur, et après une révolution de palais en faveur de son frère Constantin, avait hérité la lourde couronne. L’émotion du lieutenant n’est pas convaincante, il ne pouvait raisonnablement reconnaître plusieurs années plus tard un monarque qu’il n’avait vu qu’à distance.
    « Tais-toi ! enjoignit Kouzmitch au militaire. Je ne suis qu’un ermite. Ne répète jamais que je suis le tsar, tu serais jeté en prison et, moi, je serais chassé d’ici. »
    Mais ce lieutenant fut moins discret que le lui avait ordonné Kouzmitch, puisque nous connaissons cet incident.
    La population de Tomsk aussi conçut et entretint l’idée que Kouzmitch était en réalité le tsar prétendument mort à Taganrog. Il avait une façon de tenir sa bure de la main droite comme Alexandre tenait son manteau, leurs écritures se ressemblaient et détail décisif, Kouzmitch était sourd d’une oreille comme le tsar…
    Kouzmitch mourut le 20 janvier 1864. Une foule énorme suivit son cercueil jusqu’au monastère de Saint-Alexis, où il fut inhumé. Une dalle sur sa tombe portait l’inscription : « Ici repose le grand staretz Fyodor Kouzmitch, vieillard béni de Dieu. » ( blagoslovennyi ) Étrange coïncidence, ce qualificatif de blagoslovennyi était le même que celui que le Saint Synode et le Sénat avaient décerné à Alexandre I er .
    *
    Cette singulière histoire semblerait s’expliquer simplement : Kouzmitch ressemblait fort à Alexandre I er et le métropolite d’Irkoutsk s’était « monté le bourrichon », puis la population avait enflé le mythe, selon le processus ordinaire déjà exposé dans ces pages. Reste à savoir qui était ce staretz cultivé ; un membre de la Cour abandonnant soudain un monde fastueux pour une vie de moine eût attiré l’attention ; tel n’est pas le cas. Aucun mémorialiste n’a signalé de disparition de ce type. Son nom ou son pseudonyme, on ne sait, ne font pas l’unanimité : certains historiens le donnent comme Fomitch.
    Aurait-il vraiment pu être Alexandre I er  ? Ce serait plausible à première vue, ce tsar ayant maintes fois déploré le poids écrasant de sa charge. Dans ce cas, il serait mort à quatre-vingt-sept ans, âge avancé pour l’époque. Mais il aurait alors fallu que tout l’entourage du tsar, son épouse, ses deux médecins et sa suite eussent été complices d’une substitution de corps : le Dr Wyllie aurait embaumé un inconnu et Alexandre serait parti pour les routes. Et cela relève de la plus périlleuse spéculation.
    Reste toutefois à savoir ce que recouvrent les lignes du journal de la tsarine Elizabeta Fyodorovna, rédigées à Taganrog, souvent citées, mais dont l’original est introuvable : « Nous avons eu aujourd’hui un entretien très grave. Que la volonté de Dieu soit faite ! » Et que voulait dire le Dr Wyllie quand, au chevet de l’empereur déjà malade, il écrivit : « Quelque chose d’autre préoccupe l’empereur plus que

Weitere Kostenlose Bücher