4 000 ans de mystifications historiques
ce palimpseste. Épluchant les archives de bibliothèques d’Europe centrale, d’autres chercheurs trouvèrent ensuite que le mystérieux manuscrit avait déjà intrigué plusieurs lettrés au cours des siècles passés, dont un alchimiste, Barschius, et le célèbre érudit du XVII e siècle, Athanase Kircher, qui s’intéressait à la fois à la vie des insectes, aux bêtes fabuleuses et à l’astrologie. Mais aucun d’eux n’avait pu percer le secret du manuscrit. Au cours des recherches, on découvrit que le manuscrit avait jadis figuré dans la Bibliothèque du Vatican et l’on fut contraint d’en déduire que Voynich se l’était approprié de façon détournée.
Un cryptographe amateur américain, James Martin Feely, parut avoir déchiffré le code secret et en donna des fragments de traduction en bas latin qui semblèrent un moment plausibles, mais ses hypothèses furent abandonnées, parce que les versions proposées n’avaient guère de sens. Pourquoi prendre tant de soin à chiffrer des textes ineptes ? Jusqu’en 2004, date du dernier état des recherches (39) , aucune grille de déchiffrage n’avait été établie et le soupçon pointa qu’il n’y en avait peut-être pas.
On supposa alors que l’ouvrage était un essai de lancement d’un langage inconnu. Puis, le catalogue des hypothèses, jusqu’aux plus échevelées, ayant été épuisé, les experts baissèrent les bras. Demeurait un fait : le manuscrit Voynich était un assemblage de notations sans queue ni tête, sans aucune référence à des notions connues de l’époque. Les auteurs de ce genre de textes associant communément les sciences naturelles à des théories ésotériques fumeuses se réfèrent souvent à des notions courantes, telles que la correspondance entre certains métaux et éléments et les signes astrologiques. Là, rien de tel, et les légions de chercheurs qui s’étaient intéressées depuis des siècles au manuscrit Voynich n’en avaient pas extrait le moindre fragment valide. Il était plus que périlleux d’en attribuer la paternité à Roger Bacon, d’abord parce que le style du graphisme lui était postérieur, ensuite parce qu’on ne retrouve nulle part dans l’œuvre de ce philosophe de spécimen du code secret en question, enfin, parce que Bacon, si enclin fût-il aux spéculations fuligineuses, était un bon observateur et n’aurait pas dessiné des plantes imaginaires. Un trait retenait l’attention : le manuscrit était présenté à la manière des textes érudits de l’époque, mais son inconsistance donnait à soupçonner qu’il avait été réalisé dans ce but. C’était un astucieux canular.
Un épisode dans les pérégrinations du manuscrit le donne fortement à penser. En 1583, le manuscrit avait appartenu à un certain John Dee, magicien personnel de la reine Elizabeth I re et probablement espion à son service. À l’époque, en effet, nombre de monarques entretenaient des sorciers dans leurs services, pour de hautes et basses œuvres. Dee s’était associé à un personnage sulfureux, Edward Kelley, alchimiste, prophète, invocateur d’esprits célestes et surtout faussaire, en somme un charlatan accompli.
En 1584, on retrouve, après maintes péripéties, les deux compères à la cour de Rodolphe II, empereur du Saint Empire romain germanique, friand de sciences occultes et collectionneur d’ouvrages précieux. Et, soudain, voilà Dee riche, fort riche, puisqu’il a reçu la somme de 630 ducats d’or, à l’époque considérable. Le lien entre la vente du manuscrit et cette brusque fortune est évident ; il a d’ailleurs été fait par Voynich lui-même en premier lieu (40) .
Qui en fut l’auteur, on l’ignore et l’on est fondé à soupçonner Kelley, qui se trouva, lui aussi, soudain enrichi à la cour de Rodolphe II avant d’être jeté en prison par son protecteur en 1593, pour quelque activité illicite. Le respect parfois excessif pour le passé fait parfois oublier que l’on y compta aussi des farceurs et des faussaires. Soit des mystificateurs.
1912
Le vrai-faux buste de Néfertiti
C’est le 6 décembre 1912 que fut découverte la seconde femme la plus célèbre au monde, la Néfertiti actuellement au musée de Berlin. La première était la Joconde de Léonard de Vinci, au Louvre, connue depuis son achèvement et imposée à l’imaginaire mondial en raison de son mystère. Mais la seconde a été sacrée plus belle femme du monde et
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