4 000 ans de mystifications historiques
retrouvés dans l’atelier de Thoutmosê.
Quelle est alors la conclusion ? Pour Stierlin (41) , elle se résume en deux points. Le premier est l’évidente répugnance de Borchardt à laisser l’œuvre figurer dans les collections du musée. Celle-ci est indéniable, et le refus des autorités du musée de publier les carnets privés de Borchardt n’atténue pas l’étrangeté de cette répugnance.
Le second point est que Borchardt a voulu faire une expérience scientifique consistant à réaliser un portrait complet de Néfertiti, en s’inspirant des diverses images plus ou moins achevées de la reine. L’expérience était en plus destinée à prouver le rôle de la couleur dans la statuaire égyptienne, qui était alors méconnu. Pour cela, il lui fallait un artiste sculpteur et peintre ; il y en avait un dans l’expédition de fouilles, Stierlin en livre le nom : Gerhard Mark, vingt-deux ans.
Et, pour bien témoigner qu’il s’agissait d’un modèle expérimental et non de la fabrication d’un faux, Borchardt et Mark auraient laissé exprès l’œil gauche absent. Involontairement, il imprégna son œuvre de la sensibilité artistique de son temps, d’où ce caractère bizarrement Art Nouveau.
Sur ce, arrivèrent les princesses de Saxe, qui s’emparèrent du buste comme s’il s’agissait d’un original. Une expérience archéologique allait tourner à l’imposture.
1914
Le ténébreux assassinat
de l’archiduc François-Ferdinand
Enseignées à un étudiant sensé, les causes de la Grande Guerre, celle de 1914-1918, évoquent irrésistiblement les mots de Shakespeare, « une histoire pleine de bruit et de fureur » (et finalement incompréhensible). Récapitulons : un jeune nationaliste serbe tue l’archiduc d’Autriche François-Ferdinand en visite à Sarajevo, en Serbie. L’Autriche croit y voir une déclaration de guerre et, un mois plus tard, déclare la guerre à la Serbie. Elle s’assure l’alliance de l’Allemagne. Celle-ci craint que la Russie n’intervienne dans le conflit et lui déclare la guerre. La France, alliée à la Russie, déclare la guerre à l’Allemagne. La Turquie, alliée à l’Allemagne, se voit déclarer la guerre par la Russie, l’Angleterre et la France…
Et bientôt toute la planète est en feu. Résumée à ces seuls faits, l’histoire ressemblerait plutôt à l’intrigue d’un théâtre de marionnettes. Et, sauf à postuler que les chefs des États de l’Occident étaient des fous justiciables de l’internement, elle serait, en effet, incompréhensible. En fait, l’enchaînement des hostilités découlait de situations latentes depuis plusieurs années et de calculs ténébreux autant que périlleux.
Au début du XX e siècle, l’Empire austro-hongrois est en proie à des tensions graves, causées par les minorités qui aspirent à l’autonomie, dont les Serbes et les Tchèques, et aggravées par les visées de la Russie sur les Balkans. Cependant, l’empire s’accroche à l’idée de son État supranational. En 1912, la Serbie et la Bulgarie, encouragées par la Russie, forment une ligue balkanique, à laquelle se joignent la Grèce et le Monténégro, et attaquent la Turquie d’Europe, qui subit de sérieux revers. Toujours encouragée par la Russie, la Serbie revendique un accès à l’Adriatique, auquel s’oppose l’Italie. En 1913, inquiète de voir se former une Grande Serbie, la Bulgarie déclare la guerre à cet État. Elle aurait des chances de l’emporter si la Roumanie, la Grèce, le Monténégro et même la Turquie n’étaient accourus au secours de la Serbie. L’Autriche-Hongrie s’alarme à son tour de la victoire serbe, où la Bulgarie perd la Macédoine et la Dobroudja.
La Serbie caresse le rêve d’une Grande Serbie qui rassemblerait sous sa bannière les communautés serbes qui vivent dans les Empires austro-hongrois et turc. C’est un projet qui n’agrée pas aux pays voisins, d’autant que les Serbes sont enclins à des décisions fougueuses. L’Allemagne y est résolument hostile : « La Serbie doit être éliminée en tant que facteur politique dans les Balkans, a ainsi déclaré le Kaiser Guillaume II. Un accord amiable n’est plus possible. »
L’Europe entière est sous tension, en raison du jeu des alliances et des oscillations constantes des grandes puissances. Par exemple, après s’être déclarée, au XIX e siècle, hostile à la création d’une Grande Serbie, la Russie a
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