A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?
empruntée à une amie, de la grande table en U, de l'aboyeur, et de l'orchestre qui jouait du violon entre les plats.
Ce 27 octobre donc, à 20 h 15 précises — ainsi que nous en avions été priés —, je franchissais en voiture avec Alain le porche de l'Elysée. De chaque côté, la garde républicaine à cheval. Première étape : à gauche en entrant, le dépôt des manteaux au vestiaire. Un couturier m'avait prêté une magnifique robe longue, bien trop belle finalement. Les femmes présentes, visiblement rompues à ce genre de dîner, portaient toutes le même type de robe, longue certes, mais noire et assez simple, discrète et passe-partout. Avec ma robe de conte de fées, je faisais un peu princesse d'un autre temps... J'avais choisi, quitte à m'habiller long, une de ces robes qui peuplaient mes songes de petite fille, et qui ne rentrent dans aucune armoire du XX e siècle. Taillée dans un taffetas moiré beige, avec un décolleté rond et des manches ballon ; la jupe bouffait grâce à un gros jupon rigide et, à la taille, sur une ceinture en velours noir, une grosse pierre rouille translucide apportait la touche féerique. Bref, si je n'étais, je le
crois, pas trop laide, j'étais aussi un peu à côté de la plaque...
Des huissiers nous orientèrent vers un salon particulier, réservé à un premier type d'invités : la délégation étrangère, à majorité masculine, et les membres du gouvernement ainsi que quelques invités de marque. C'est une sorte de premier « sas », sans contact avec un autre salon vers lequel sont dirigés les autres invités, ceux du « tout-venant », les conseillers de l'Elysée ou ceux du Quai d'Orsay, les personnalités privées du monde de l'industrie, les journalistes... Pendant ce laps de temps, qui dure environ une demi-heure, pas de passage possible entre les deux salons. Puis, tout à coup, les grandes portes s'ouvrent et nous pénétrons dans l'immense salle à manger d'honneur.
Sur le pas de la porte, un huissier s'enquiert du carton d'invitation des invités, pour être en mesure de les annoncer... En face, en rang d'oignons, le président (et son épouse si elle assiste au dîner, ce qui n'était pas le cas ce soir-là) et le couple honoré.
L'huissier en chaîne « aboie » le nom des invités un par un, ce qui peut prendre un certain temps s'ils sont plus d'une centaine... « Monsieur le ministre des Affaires étrangères
et madame Alain Juppé ». Nous nous avançons pour serrer la main du président et celle de ses hôtes.
Cette scène m'en rappelle une autre. C'était en Grèce au mois de mai dernier, au cours d'un sommet de l'Otan. Le président de la République, M. Caramanlis, avait reçu dans son palais tous les ministres des Affaires étrangères de l'Otan et leurs épouses. Il avait gardé la main d'Alain dans la sienne pendant au moins cinq minutes en lui parlant de Paris, de la France, de ses voyages... J'avais trouvé le temps un peu long et surtout j'avais plaint ceux qui attendaient patiemment leur tour derrière nous...
A l'Elysée, ce soir-là, nous nous contentâmes d'une courtoise poignée de main, avant de nous diriger vers les tables. Compte tenu du nombre important des invités, plusieurs avaient été dressées, une dizaine je crois, dont une au fond de la salle. François Mitterrand présidait cette table d'honneur, au côté du président Karimov. Le président français avait à sa droite l'épouse du président étranger et, en l'absence de l'épouse du président français, M. Karimov avait à ses côtés l'épouse du président du Sénat, deuxième personnage de l'Etat français. En
face de ces quatre personnalités, rien ni personne, juste un vide protocolaire, comme à chaque table, en face de la table d'honneur, afin que tous les invités puissent voir les personnalités, et qu'aucun d'eux ne leur tourne le dos.
Le placement des convives au cours des dîners officiels est l'une des missions protocolaires les plus délicates. Gare aux erreurs fatales ! La répartition à la table d'honneur se fait par ordre décroissant d'importance, des personnalités, au centre, vers les bouts de la table. C'est ainsi que je me retrouvai entre le vice-Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères ouzbek. Chaque type de réception a ses règles protocolaires. Je me souviens du dîner de la Francophonie offert par la France à New York lors de l'Assemblée générale des Nations unies. Les invités devaient être placés
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