A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?
travail » et la présence des épouses est considérée comme absolument incompatible avec la notion de travail...
Il m'est d'ailleurs arrivé plusieurs fois, pendant qu'Alain « travaillait » avec un de ses homologues, d'emmener dîner dans un restaurant parisien l'épouse de ce ministre.
Absente donc de la plupart de ces « repas d'hommes », j'ai néanmoins toujours été associée au choix des menus... Si, souvent, je n'ai pas même aperçu l'ombre de l'hôte reçu, je sais en revanche qu'il est reparti après avoir apprécié ce qu'avec l'intendant j'avais choisi pour lui : escalopes de foie gras ou huîtres chaudes, langoustines ou bar grillé, agneau rôti ou pigeon de Bresse...
Pour les visites importantes au Quai, s'enroulent autour des piliers de l'escalier d'honneur de somptueuses décorations florales
de toutes couleurs, que le visiteur peut admirer à son arrivée. Un matin, j'étais passée devant l'escalier comme des fleuristes ornaient chaque pilier de magnifiques fleurs blanches, des hortensias si ma mémoire est bonne. Le soir, en repartant, juste avant le dîner officiel, j'avais été étonnée de voir qu'elles avaient disparu, remplacées par d'autres compositions florales... Que s'était-il passé ? En fait, l'invité d'honneur était le Premier ministre vietnamien, et quelqu'un s'était souvenu dans la journée qu'au Vietnam le blanc est signe de deuil ! On avait frôlé l'incident diplomatique... L'art de réussir une opération protocolaire consiste justement à éviter de tels dérapages... Les « Grands » ne se rendent en général pas compte de ces mille et un détails si importants.
Comme le disait Jacques Dumaine dans ses Mémoires de chef du protocole 1 , « la vigilance apportée à l'arrangement d'une cérémonie reste chose invisible. Le rite, pour se dérouler parfaitement, doit donner l'apparence d'aller de soi »...
CUISINES ET DÉPENDANCES
S'il est un pays où la table est l'un des piliers de la diplomatie, c'est bien chez nous, en France. L'art de la table reste en effet typiquement français. Aux quatre coins du monde, un bon repas, comme on sait, facilite les contacts, détend l'atmosphère et laisse de bons souvenirs. Le Quai d'Orsay, qui reçoit nombre de prestigieux invités étrangers, se doit d'être la vitrine de la gastronomie française. Les occasions de déployer son savoir-faire en la matière sont multiples pour le palais des Affaires étrangères, tant les repas, dans le milieu diplomatique, sont fréquents et variés : des dîners « restreints » ou « élargis » aux déjeuners « officiels ou privés » (privés avec épouses ou privés sans épouses), des déjeuners « informels » ou « de travail » aux « dîners-débats » ou « buffets »... Sans compter les petits déjeuners (de travail bien sûr la plupart
du temps) qui se multiplient depuis quelques années... Bref, s'il est une expression diplomatique particulièrement appropriée à la réalité quotidienne, c'est bien « se mettre autour d'une table ».
Voilà pourquoi, à mon avis, le sous-sol de l'hôtel du ministre des Affaires étrangères, qui abrite des cuisines rutilantes, refaites à neuf il y a quelques années, est sans aucun doute le lieu stratégique du Quai d'Orsay. Voilà pourquoi aussi le maître de ces lieux, le « chef », que les convives ne voient jamais (Marcel Lefaou en l'occurrence) véritable ambassadeur de la cuisine française, en est l'une des âmes...
Je ne résistai pas longtemps à l'envie d'aller faire un tour dans ce véritable royaume de la gastronomie où se conjuguent en une subtile harmonie les traditions et le progrès... C'est là, pendant qu'à l'étage les cerveaux diplomatiques phosphorent sur les dernières crises internationales, que les cuisiniers mijotent des nourritures bien terrestres. Tout l'attirail est en place pour l'offensive culinaire du jour : immenses plaques de cuisson, fours à vapeur, armoires de refroidissement, chambres froides, sans oublier la superbe batterie de cuisine en cuivre, casseroles, marmites et autres
poêles, parce que l'on n'a rien trouvé de mieux depuis les Egyptiens, paraît-il, pour faire de la bonne cuisine.
Ce jeudi de janvier était un jour ordinaire. Sur l'agenda, environ une centaine de repas à préparer, répartis entre trois « salons » (dont celui du ministre), le restaurant qui accueille les membres du cabinet, et les « plateaux » montés dans les bureaux de ceux qui n'ont même pas le temps de
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