Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

Titel: A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Isabelle Juppé
Vom Netzwerk:
avait été organisée sur la Shoah : « Remember the children », qui montrait la maison d'un enfant, David, aux différentes étapes de la montée du nazisme, de 1933 jusqu'aux camps de concentration. Mais cette exposition était partie au mois d'avril précédent pour le nouveau musée de l'Holocauste que j'avais visité lors de mon premier passage à Washington.
    Après la visite du musée, Esther m'a emmenée au Capitole, qu'elle connaît comme sa poche pour avoir travaillé pendant des années avec différents sénateurs démocrates. Elle m'en a montré tous les recoins, a poussé pour moi la porte du bureau du président de la Commission des Affaires étrangères (une vraie caverne d'Ali Baba), m'a entraînée dans le bureau de Nixon, et présentée au leader des lobbyistes. J'ai pris avec elle le petit métro souterrain qu'empruntent chaque jour les sénateurs ou visiteurs qui viennent au Congrès. C'est Esther également, avec l'ambassadrice de France, qui a organisé un déjeuner-débat sur les problèmes sociaux avec les épouses de sénateurs américains. Nous nous sommes quittées sur le parvis du Capitole. Son prochain projet est l'organisation d'une exposition sur les jouets de Toutmosis III. Elle en parle avec fougue, en essayant de faire du « fund-raising », c'est-à-dire de trouver de l'argent pour le financer. Mais sa plus grande passion est assurément son petit-fils Jack (deux ans et demi), qui sera un jour, elle n'en doute pas, président des Etats-Unis. Why not ? rit-elle, les yeux pétillants de malice...
    Loin, loin, bien loin des Etats-Unis, des computers et du struggle for life, il existe un autre monde envoûtant, chargé d'histoire et d'épices, de vieilles pierres et d'islam.
    Là-bas, au Moyen et Proche-Orient, dans ce monde où les hommes sont les rois, il y a aussi des femmes fascinantes, croisées parfois juste quelques heures, au hasard d'un voyage officiel.
    Par exemple Raoufa, la jeune Yéménite qui m'attendait à la descente d'avion à Sanaa, le 18 octobre 1993. Nous arrivions tout droit de l'île Maurice, où s'était déroulé le sommet de la Francophonie, pour une visite d'Etat de vingt-quatre heures du président de la République. Mme Mitterrand ayant dû annuler sa visite, j'étais la femme de la délégation à accueillir et à honorer. Je me souviens de la nuit ouatée qui tombait sur l'aéroport à notre arrivée ; de la cérémonie d'accueil sur le tarmac, pour le président Mitterrand et le président Saleh ; des cameramen et photographes yéménites qui se bousculaient pour immortaliser ce moment historique (aucun chef d'Etat occidental n'avait posé le pied au Yémen depuis la guerre du Golfe que les Yéménites avaient condamnée). Dans l'obscurité, j'avais eu du mal à distinguer la frêle silhouette de Raoufa. Toute petite, enveloppée
dans un foulard orangé qui mangeait son visage d'oiseau, elle semblait glisser sur le sol en jouant avec les ombres. Avec l'ambassadrice de France à Sanaa, elle m'avait accompagnée en voiture à la résidence des hôtes, l'ancien palais présidentiel, où Alain et moi allions dormir. Je me souviens de cette atmosphère lourde et humide (mais très agréable) qui enveloppait la nuit. Dehors, le long des rues, des centaines d'hommes et de femmes acclamaient le passage du cortège présidentiel.
    Là-haut, dans notre résidence, devant la porte des appartements qui nous étaient réservés, elle m'avait attendue de longues minutes pendant que je me préparais pour la soirée. Un dîner de femmes, bien entendu, donné par l'épouse du ministre des Affaires étrangères, pendant que le président offrait de son côté, en l'honneur du président Mitterrand, un dîner pour les hommes. Je ne sais pas quel âge avait Raoufa, je n'ai pas osé le lui demander. Sans doute était-elle très jeune, peut-être une trentaine d'années, avec un regard sombre et profond souligné par le voile. Parlant admirablement bien le français, elle avait cette particularité assez rare chez une Yéménite — la majorité des femmes se mariant en général assez tôt — d'être célibataire.
Professeur d'université, elle enseignait la sociologie féminine à Sanaa, et écrivait dans les journaux. C'est pour impressionner les étudiants peu habitués à avoir des jeunes femmes comme professeurs, m'avait-elle dit, qu'elle revêtait son foulard. Elle avait deux maisons. L'une de fonction, à l'université, dans un immeuble occupé par ses collègues de

Weitere Kostenlose Bücher