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A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

Titel: A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Isabelle Juppé
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personnalités de passage, les déjeuners et dîners officiels, sans compter les finances de l'Hôtel de Ville, le secrétariat général du RPR et les visites dans le 18 e arrondissement... la vraie vie à deux avait — déjà ! — de plus en plus de mal à se glisser.
    C'est une banalité de dire que les hommes qui nous gouvernent ont une vie de fou. Mais on ne mesure pas assez à quel point c'est une réalité... et combien eux-mêmes en sont de plus en plus éloignés. Ils n'ont même plus le temps de prendre le temps. De prendre du recul par rapport à l'événement, à l'instant. De se poser, tout simplement.
    Leur rythme de travail, l'importance des responsabilités, la pression psychologique, la tension nerveuse et aussi cette poussée d'adrénaline qui les use mais les incite à recommencer
le lendemain, tout cela les fait vivre dans un surrégime permanent. Le tourbillon du Gatt durant les mois de novembre-décembre 1993 est un parfait exemple de cette vie à cent à l'heure. Sans parler de la Bosnie, qui fait alterner l'angoisse et l'espoir dans l'esprit des gouvernants.
    Quant aux conditions matérielles de leur quotidien, ces à-côtés de l'existence d'apparence dérisoire mais pourtant si importants, elles sont également à cent lieues de celles du quidam.
    Dans la musette de tout ministre, l'adage célèbre : « l'intendance suivra » est rarement oublié. Le gouvernant n'a pas à tourner des heures dans Paris pour trouver une place de parking en allant à un rendez-vous, ni à faire la queue pendant un siècle au comptoir d'Air France pour enregistrer ses bagages, ni à se geler en attendant un taxi à la sortie de la gare, ni à perdre patience devant une photocopieuse en panne, ou un distributeur de café qui oublie de donner le gobelet... Bref il ne goûte que rarement ces mille et une aventures quotidiennes qui rendent la vie de tout un chacun si palpitante, et permettent au moins de côtoyer son prochain dans les circonstances les plus diverses ! Certes, à lui aussi peuvent arriver
bien des mésaventures. Sa position ne le met pas à l'abri d'une maladresse, d'une panne ou d'aléas, mais, dans l'ensemble, sa vie de tous les jours est plutôt plus facile que celle de la moyenne des citoyens. Ce qui d'une part est bien normal (on imagine les conséquences sur son agenda minuté et surchargé du temps que passerait un ministre à poireauter une heure durant au guichet de la poste de son quartier), et, n'est pas, d'autre part, l'apanage des seuls gouvernants. Les personnes occupant de hautes responsabilités, dans tous les domaines professionnels, bénéficient des mêmes facilités.
    Cueilli au petit jour par le chauffeur et le garde du corps qui ne le ramèneront chez lui qu'une fois la nuit tombée — s'il n'habite pas dans son ministère — le ministre peut rester des jours voire des semaines sans croiser un Français comme il en existe soixante millions. Certes il fréquentera du beau monde, présidents, chefs de gouvernement, ministres et autres souverains de la terre entière ; il travaillera aux destinées de son pays avec d'illustres experts, de dévoués collaborateurs, des cabinets performants ; il deviendra lui-même familier de ces salons d'honneur qui, dans tous les aéroports du monde et pour un repos
indispensable, isolent les « grands hommes » de la « masse » ; il découvrira le luxe des premières classes ou des avions privés, celui des résidences d'hôte dans chaque pays du monde quand il est en voyage officiel... Il pourra même visiter dans des conditions exceptionnelles les plus beaux sites de la planète. Mais ses contacts avec ceux de qui il tient sa légitimité seront de plus en plus réduits. Ce qui est grave lorsque l'on exerce un métier qui consiste justement à recueillir le suffrage de ses concitoyens, à répondre à leurs aspirations, à anticiper leurs revendications, à prévoir leurs réactions, bref à être un minimum « en phase » avec eux. Et encore, je crois que le cas d'Alain n'est pas totalement désespéré : en ayant gardé dans sa musette le RPR, l'Hôtel de Ville de Paris, le 18 e arrondissement et le goût de choisir lui-même ses confitures au supermarché du coin, il se frotte quand même avec une relative fréquence à l'homme de la rue !
    Il est difficile aussi de rester tout simplement soi-même. J'ai eu l'occasion d'observer à plusieurs reprises à quel point les « autres » (vous, moi, eux, nous) sont parfois prompts à la double

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