Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

Titel: A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Isabelle Juppé
Vom Netzwerk:
sommet franco-espagnol. Y
participaient le président et le Premier ministre, sans compter quatre ou cinq ministres. Guidée par les autorités ecclésiastiques, la visite de la cathédrale avait dû être un supplice pour Messieurs Mitterrand et Balladur, qui étaient encadrés par une horde d'au moins deux cents personnes. Alain et moi avions fait bande à part, et effectué la visite dans le sens inverse du reste du cortège, seuls... Qu'il est doux pour les ministres de jouer les anonymes auxquels les journalistes fichent une paix royale quand le président et le Premier ministre cohabitent sous les feux de la rampe...
    Il faut également éviter de se laisser griser par les compliments médiatiques. La presse étant essentiellement versatile, elle peut encenser un jour et traîner dans la boue le lendemain. Je me souviens de la réflexion que m'avait faite mon voisin de table (et « grand de ce monde ») au cours d'un repas officiel : « Quand vous voyez le soir à la télé ce que vous avez fait dans la journée, quand vous entendez à la radio ce que vous avez dit dans la journée, quand vous voyez votre photo dans le journal tous les matins au petit déjeuner, il faut avoir les reins solides, car plus dure sera la chute ! » Sans doute faut-il penser souvent à cet « après-pouvoir » auquel tous.
les gouvernants devraient se préparer en permanence.

    Je défie en tout cas quiconque est soumis à pareil traitement pendant plusieurs années de s'en sortir indemne. Lâchez un homme politique, bordé, dorloté, assisté de la sorte pendant dix ans, seul dans la rue. Je veux bien parier qu'il aura un peu de mal à entrer dans un bureau de tabac demander un timbre à 2,80 francs.
    Sait-il d'ailleurs qu'il n'y a désormais plus le prix sur ces timbres-là ?
    Je crois que la théorie du réflexe de Pavlov s'applique à tous, y compris dans les allées du pouvoir. Si tous les matins vous avez eu l'habitude de trouver votre petit déjeuner servi avec vos journaux favoris sur un plateau d'argent, et qu'un beau jour vous soyez obligé d'aller dans la cuisine, de ne pas y trouver de pain frais et d'entendre une voix autoritaire vous crier : « Pour le café, la cafetière est dans le placard du fond, pour le journal, il y a un kiosque au bout de la rue », comment réagiriez-vous ? Mal sans doute, malgré vous.
    On acquiert, dans l'exercice du pouvoir, un certain nombre de réflexes conditionnés. L'habitude d'être servi, obéi, rarement contesté (les collaborateurs les plus précieux
sont d'ailleurs ceux qui ont réussi à garder leur esprit critique), et craint. Certes, l'époque des empereurs romains est révolue, et l'on ne jettera pas aux lions le cuisinier qui a raté son soufflé au fromage, mais le pouvoir impressionne toujours.
    Handicapé face aux gestes simples de la vie, piégé plus que protégé par un triple barrage, rarement laissé à lui-même, l'homme de pouvoir court donc aussi paradoxalement le risque d'être isolé des autres.
    Pourquoi certains, à gauche comme à droite (tous sont logés à la même enseigne), ont-ils disjoncté pendant que d'autres gardaient la tête froide ? Existe-t-il un antidote miracle à ces effets secondaires du pouvoir ? Certainement pas. Tout dépend, répondront les amateurs de banalités, de la personnalité de chacun, de l'intelligence, de la capacité de détachement, de l'aptitude à garder les pieds sur terre, à prendre du recul.
    Sans doute, pour limiter les dégâts, faut-il puiser sa force ailleurs que dans le pouvoir. Avoir une autre source d'énergie que l'ambition de gouverner. Ou garder les yeux en permanence ouverts sur les autres. Avoir un pied dedans (dans les allées du pouvoir) et un pied dehors, bien planté dans la vie de tous les
jours, la vie privée, familiale. Ou avoir, pourquoi pas, son jardin secret. Il n'y a pas de panacée, chacun a sa recette. Un de mes amis député, qui est également médecin, m'a dit un jour : « Moi, ce qui me permet de tout relativiser, c'est de voir tous les jours des estropiés, des accidentés de la route, des handicapés à vie, dont le seul souci, qu'ils soient patron ou ouvrier, c'est " comment est-ce que je vais pouvoir monter sur le trottoir avec mon fauteuil roulant? "... Je profite de chaque instant en me disant que tout peut s'arrêter. »
    J'ai reçu, l'année dernière, une lettre de Stéphane, l'un de mes deux frères. En voici un extrait qui m'était adressé mais qui peut s'appliquer à beaucoup :

Weitere Kostenlose Bücher