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A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

Titel: A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Isabelle Juppé
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l'on a été gratifié d'un sourire. On obtempère au moindre froncement de sourcils, le petit doigt sur la couture du pantalon, et, chargé alors d'une instruction peut-être sans grand intérêt, on se sent transfiguré et investi d'une mission historique. Qu'ont donc ces hommes qui nous gouvernent de « sur-naturel », pour que l'on se comporte avec eux comme avec des pseudo-divinités... ou des grands malades à surveiller...
    La « deuxième couche », qui serait la première d'ailleurs aux Etats-Unis, est celle de la sécurité. A savoir cette armée de gardes du corps, officiers de sécurité, communément appelés les V.O. (pour voyages officiels) qui,
eux aussi, plus ou moins discrètement, escortent le président et les membres du gouvernement. Devant, derrière, sur les côtés, à pied, à moto, en voiture, le cordon sanitaire est toujours étanche... Leurs yeux sont partout, ils épient les faits et gestes des voisins, écartent la foule, surveillent les balcons des immeubles. Remarquablement formés (la France est un des pays les plus efficaces dans ce domaine et en aide beaucoup d'autres à instruire leurs éléments de sécurité), ils sont venus en repérage, ont pris des contacts avec la sécurité locale, ont suivi par avance tous les itinéraires. Ils communiquent avec de petits micros cachés dans leur manche, des téléphones portables ou des talkies-walkies et utilisent des noms de code. Chaque membre du gouvernement en a un, que je ne dévoilerai bien sûr pas ici, mais qui me fait toujours rire lorsque je l'entends susurrer dans les téléphones portables. Les officiers de sécurité d'Alain sont à la fois discrets, sympathiques et pleins d'humour, et j'ai l'impression qu'avec les conducteurs et les motards, ils forment une très bonne équipe qui assure un rôle capital auprès du ministre. Sans que celui-ci, et cela fait aussi partie de la mission, s'en rende toujours compte.
    Le troisième barrage est constitué par la presse, qui, suprême paradoxe, alors qu'elle veut justement observer « le contact du président avec la réalité », contribue elle aussi, au moyen de ses caméras et appareils photo... à couper encore un peu plus le président de ce qu'il visite ou de ceux qu'il rencontre. J'en parle d'autant plus aisément que j'ai moi-même participé comme journaliste à plusieurs voyages présidentiels ou ministériels et donc à cette sorte de harcèlement médiatique. Je crois aujourd'hui que cela peut pousser les hommes politiques à s'enfermer inconsciemment dans les attitudes figées ou la langue de bois, que les media vilipendent, mais qui sont autant d'autoprotections que se façonne la personnalité traquée. Ainsi au Yémen, en octobre dernier, au cours de la visite de la capitale, Sanaa, un matin. Nous marchions, le président, Alain et moi, dans les ruelles de la ville, à près de trois mille mètres d'altitude. Les rues étaient étroites et il fallait grimper un peu... Nous avancions difficilement dans la foule qui nous pressait et nous poussait. Il y avait la fatigue du voyage de la veille, la chaleur, les odeurs, les bruits, l'excitation, et la meute de photographes et de cameramen qui se marchaient copieusement et mutuellement sur les pieds.
A un moment, le président a confié à Alain qu'il se sentait un peu essoufflé, ce qui, compte tenu du contexte, n'avait rien d'étonnant. Nous étions nous-mêmes un peu fatigués. « Je ne peux pas le dire ni faire la moindre grimace, ajouta-t-il en souriant, sinon les journalistes vont se précipiter, les photographes s'acharner et ce sera la une de tous les journaux demain matin. »
    Quelques semaines auparavant, en effet, au cours de son voyage en Corée (je n'y étais pas), il avait eu un malaise après quinze heures de vol, le décalage horaire, la température élevée, et une cérémonie officielle debout... Pendant trois jours, la presse n'avait parlé que de cela, rappelant ses précédents malaises, se livrant à des conjectures sur sa santé... A Sanaa le chef de l'Etat est resté stoïque et souriant, et personne n'a épilogué sur un quelconque essoufflement présidentiel.
    Bref, quand sont superposées les trois « couches », entourage, sécurité et presse (ce qui est souvent le cas) il est quasi impossible de vivre une vie normale puisque tout bâillement intempestif devient une affaire d'Etat. J'ai également le souvenir d'une visite de la vieille ville de Tolède au mois de novembre dernier lors d'un

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