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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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fait vomir.
    Le procureur la remercia d’une voix bienveillante, puis retourna s’asseoir. Un silence de mort planait sur le prétoire. Charging Elk lui-même, revivant les terribles événements de cette nuit-là, avait retenu son souffle en écoutant le récit de Marie. Il en avait compris assez pour se rappeler comment il s’était lavé les cuisses et le bas-ventre dans la cuvette, comment il avait remis dans son pantalon le pan de sa chemise maculée de sang et comment, après avoir aperçu la paire de lunettes sur la table de chevet, il avait quitté la chambre, envahi d’un étrange sentiment, mélange de peur et de triomphe. Il croyait encore sentir l’odeur du sang, et il revoyait à présent les images épouvantables qui le hantaient depuis : Marie qui ouvre la porte et découvre le carnage. Et, tandis qu’il la regardait, de nouveau secouée de sanglots, le visage enfoui dans son mouchoir, il sut que ces images ne le quitteraient pas de sitôt.
    Le président de la cour d’assises laissa à Marie le temps de se ressaisir, puis il donna la parole à la défense. L’avocat se leva. C’était un homme cadavérique dont le plastron blanc semblait deux fois trop grand pour son cou d’oiseau et dont la robe noire tombait sur ses épaules comme un linceul. Ses lunettes perchées sur un nez qui faisait figure de caricature de bec d’aigle, il étudia un instant ses notes, puis d’une voix étonnamment forte, il attaqua : « Aviez-vous déjà rencontré le défunt Armand Breteuil avant la soirée du 17 mai, mademoiselle Colet ?
    — Non, monsieur.
    — Pardon ?
    — Non, monsieur, répondit-elle, cette fois un peu plus fort.
    — En êtes-vous sûre ? » Le ton de l’avocat s’était fait légèrement narquois tandis qu’il jetait un regard en direction des jurés.
    « Oui, monsieur. »
    Il feignit de consulter de nouveau ses notes, puis reprit : « Bien, nous reviendrons un peu plus tard sur ce point, mademoiselle. Permettez-moi de formuler la question autrement : l’aviez-vous déjà vu avant le 17 mai ?
    — Non, enfin si, de temps en temps.
    — Et en quelles circonstances vous arrivait-il de le voir de temps en temps ?
    — Il venait parfois au Salon.
    — Ah, rendre visite aux pensionnaires, je présume. »
    Marie, affichant un air perplexe, leva pour la première fois les yeux sur le défenseur de Charging Elk.
    « Il venait savourer les plaisirs offerts par les charmes féminins, est-ce bien cela, mademoiselle ?
    — Non. Il allait toujours dans le petit salon.
    — Je ne comprends pas, dit l’avocat, se tournant vers le jury.
    — C’est là que sont les garçons.
    — Les garçons ? Excusez-moi, je ne comprends toujours pas. »
    Marie hésita. « Il venait voir les garçons, expliqua-t-elle.
    — Pour avoir des relations sexuelles avec eux, vous voulez dire ?
    — Un seul. Juste l’Espagnol – Miguel. » Un murmure parcourut le balcon. Surprise, Marie se tourna et vit que de nombreux spectateurs la fixaient du regard. Il régnait une chaleur étouffante et certains s’éventaient de leurs éventails, d’autres de leurs chapeaux, tandis que d’autres encore s’épongeaient le visage. Tous se taisaient maintenant, et Marie, de nouveau prête à défaillir, tituba une fraction de seconde avant de se rattraper à la barre.
    « Vous le qualifieriez donc d’homosexuel avéré, mademoiselle ?
    — Oui, monsieur.
    — Je vous remercie. »
    L’avocat quitta sa place et s’avança vers le box des jurés, ses lunettes à la main qu’il tapotait de l’ongle de son pouce. Il semblait perdu dans ses pensées, et Marie entendait le cliquetis sec résonner dans la salle silencieuse. Elle lança un rapide coup d’œil en direction des magistrats assis à moins de deux mètres au-dessus d’elle, légèrement sur le côté. Eux aussi avaient le regard rivé sur le représentant du barreau, l’air un peu dédaigneux peut-être, ou impatient.
    « Je reviens à présent à ma question initiale, mademoiselle Colet. Je dois vous rappeler que vous avez juré de dire la vérité, et j’ose espérer que vous mesurez bien les conséquences d’un faux témoignage.
    — Oui, monsieur, répondit Marie d’une petite voix lasse.
    — Bien. Je vous demande donc de nouveau : aviez-vous rencontré Armand Breteuil avant la soirée de l’affaire qui nous occupe ? »
    Marie fit alors ce qu’elle s’était promis de ne pas faire : elle se tourna vers le banc

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