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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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excellences », conclut-il.
    Quelques rires fusèrent du balcon, et l’avocat alla se rasseoir, satisfait du portrait de son client que venait de dresser le petit marchand de poisson. Le procureur quitta alors son siège, s’épongeant le front à l’aide d’un mouchoir. Il fit à René un large sourire, comme gagné par la bonne humeur qui avait brisé la tension régnant dans le prétoire.
    « Vous allez me faire regretter de n’avoir pas assisté à ces représentations, monsieur. J’aurais certainement préféré cela plutôt que d’être dans l’obligation d’assurer les pénibles devoirs de ma charge dans une salle d’audience étouffante. » Le procureur s’essuya la lèvre supérieure. Sous la chaleur, son visage était marbré de taches rouges. « Et permettez-moi d’ajouter que j’éprouve un profond respect pour votre noble profession. Offrir à nos concitoyens les produits de la mer – tout en n’en retirant qu’un modeste profit, je n’en doute pas –, voilà qui relève d’une vocation en tous points digne d’éloges.
    — Merci, votre excellence. »
    Le procureur émit un petit rire. « Vous me faites trop d’honneur, monsieur. Je ne suis qu’un modeste représentant du ministère public, et je ne mérite certes pas de telles marques de déférence. » Il se tourna vers les magistrats, dont l’un souriait, puis il reprit : « J’apprécie l’honnêteté et la franchise avec lesquelles vous nous avez décrit votre vie de famille, et je dois dire qu’il est fort rare, avec les ennuis que nous causent les immigrés et les socialistes, de rencontrer de nos jours une famille aussi unie et généreuse. Recueillir ainsi un étranger, et de surcroît un sauvage à moitié nu qui pousse des cris de guerre, voilà qui est hautement louable.
    — Merci.
    — Vous nous avez donc dit que l’accusé avait habité chez vous durant deux années, deux années idylliques, si j’ai bien compris ?
    — Oui, en effet.
    — Par conséquent, il était parfaitement heureux au sein de votre famille, il mangeait l’excellente cuisine de madame votre épouse, jouait avec vos enfants, appréciait son travail à la poissonnerie et aimait à boire un peu de vin durant les repas…
    — Oh ! oui ! Il était heureux chez nous. Il ne buvait jamais trop.
    — Alors, dans ce cas, pourquoi, selon vous, ce sauvage si heureux chez vous a-t-il désiré partir après seulement deux ans ? »
    René réfléchit. Il ne voulait surtout pas commettre d’impair.
    « Et cela pour s’installer dans un quartier qu’on ne peut qualifier que de repaire de Nord-Africains, de Turcs, de voleurs et d’assassins ? poursuivit le procureur. Pour habiter une chambre exiguë et sinistre dans le quartier le plus mal famé de tout Marseille ?
    — Je me suis moi-même posé la question. Pourquoi le Panier ? Mais Charging Elk y était bien. Il disait que là-bas, les gens lui rappelaient son peuple.
    — Ah ! il ne trouvait donc pas à son goût les vrais Français, les bons croyants nés dans ce pays ? » Le procureur s’était tourné pour s’adresser aux jurés parmi lesquels on ne comptait aucun visage basané.
    L’avocat aux traits de rapace présenta une objection que le président accepta. Le procureur expliqua qu’il s’efforçait simplement de comprendre quelles raisons avaient pu pousser l’accusé à quitter une honnête famille française pour aller vivre dans cette partie de la ville où la morale des habitants laissait tant à désirer. Le président accepta ses arguments, mais lui demanda de faire preuve d’un peu plus d’objectivité.
    Après avoir remercié la cour, le procureur enchaîna : « Monsieur Soulas, vous nous avez dit que le prévenu, après avoir déménagé, venait vous rendre visite tous les dimanches pour se régaler d’un excellent dîner et s’amuser avec les enfants. Je ne me trompe pas ?
    — Non, pas du tout. Sauf que les enfants étaient déjà un peu trop vieux pour qu’il s’amuse avec eux. Vous savez ce que c’est, ils grandissent. » René eut un rire quelque peu hésitant. « Il aimait surtout la cuisine de ma chère épouse. Il se resservait de chaque plat et ensuite, nous bavardions et allions souvent nous promener.
    — Il ne manquait jamais un dimanche ? »
    René réfléchit de nouveau. Il ne tenait pas à répondre. Il témoignait sous serment, et à ses yeux, un serment, c’était sacré.
    « N’est-il pas exact qu’il a cessé

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