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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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l’oreille, et elle répondit oui, oui.
    Le lendemain matin, Charging Elk vint prendre le petit déjeuner vêtu de son costume noir, dont le pantalon pochait aux genoux. Quant à la veste, elle ressemblait à celles que mettent les paysans lorsqu’ils vont à la ville, et les poches, bien que vides, étaient déformées par ce qu’elles avaient autrefois contenu. Charging Elk le portait néanmoins avec dignité, et sa chemise blanche presque propre qu’il n’avait pas remise depuis son arrivée, lui conférait une apparence vaguement sacerdotale. Seuls ses cheveux qui retombaient librement sur ses épaules rappelaient l’homme qu’il était à l’époque du Bastion et, plus tard, du Wild West Show.
    Il s’assit à sa place habituelle, en face de Vincent qui jouait nerveusement avec sa cuillère. Nathalie, tournant le dos aux deux hommes, remuait la bouillie qui cuisait sur le feu. Ses cheveux châtains qu’elle laissait d’ordinaire libres étaient relevés en un chignon strict. Elle portait sa robe et son tablier de tous les jours et, le dos et les épaules raides, elle avait l’air tendue. Elle s’écarta du fourneau et servit un grand bol de café au lait qu’elle posa devant Charging Elk. Celui-ci jeta un regard vers la jeune fille sans paraître la reconnaître. Il avait manifestement l’esprit ailleurs.
    « Une nouvelle fois, je vous demande la main de votre fille, monsieur Gazier », dit-il comme s’il poursuivait la conversation qu’ils avaient eue dans le verger. Il contemplait ses propres mains croisées devant lui sur la toile cirée de la table.
    Vincent continua de triturer sa cuillère et de la tapoter contre sa paume, puis il lança un coup d’œil à Nathalie qui, revenue devant le fourneau, semblait figée sur place. Maintenant qu’elle avait pris des formes, elle lui rappelait beaucoup Lucienne, y compris avec son chignon d’où s’échappaient à présent quelques mèches.
    « Et qu’en pense ma fille ? » demanda-t-il.
    Nathalie ne se retourna pas tout de suite. Prenant le bas de son tablier pour ne pas se brûler, elle souleva la marmite de bouillie fumante pour la poser à un endroit moins chaud du fourneau, puis, d’un geste mécanique, elle s’essuya les mains. Après quoi, elle pivota lentement et, au lieu de regarder son père, regarda Charging Elk.
    « Je serais très heureuse de devenir sa femme », répondit-elle. Sa voix lui parut étrange, lointaine, presque fluette. Elle ajouta cependant : « Nous nous aimons. »
    Vincent fronça les sourcils. « Ainsi, vous en avez déjà discuté entre vous, avant de me consulter ? »
    L’espace d’un moment, tous deux gardèrent le silence. Peut-être réfléchissaient-ils pour décider de ce qu’ils jugeaient bon de lui confier. Peut-être que l’un et l’autre se rappelaient leur nuit. Charging Elk finit par répondre : « Oui, et Nathalie a accepté de m’épouser. Avec votre permission, monsieur.
    — Nous nous aimons, papa, répéta Nathalie. Nous serons heureux ensemble.
    — Et si ce mariage devait avoir lieu, tu irais t’installer avec lui à Marseille ? »
    Vincent n’attendit pas la réponse de sa fille. Il se leva avec raideur et sortit de la cuisine, refermant la porte derrière lui.
    En toute autre occasion, il n’aurait pas manqué de s’extasier devant une si belle matinée. Une légère brume flottait au-dessus de la cour, que le soleil perçait déjà de ses rayons dorés. Bientôt, elle se dissiperait pour dévoiler un ciel tout bleu, annonciateur de l’une de ces rares journées de fin décembre où la terre se réchauffe juste assez pour venir lui rappeler que les pruniers ne sont qu’endormis, que dans trois mois, les premiers bourgeons apparaîtront et qu’une nouvelle période de pousse commencera ainsi que cela se produit depuis les nombreuses générations où les Gazier cultivent cette terre. De même, tout autre jour, il aurait remercié le Seigneur d’avoir permis à sa famille de vivre et prospérer dans ce paradis, et il se serait considéré comme un homme qui a beaucoup de chance.
    Mais aujourd’hui, tout comme ces derniers mois, il n’était plus qu’un homme déprimé. Peut-être aurait-il pu se remettre de la mort de Lucienne. Il la regardait venir depuis longtemps, et quand elle était arrivée, il s’était en quelque sorte senti soulagé en dépit de son chagrin, et il avait été jusqu’à envisager une nouvelle existence pour sa fille. Il savait

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