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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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pas cru.
    Il allait sauter du quai quand il entendit un bruit derrière lui. Jetant un coup d’œil par-dessus son épaule, il vit se détacher dans l’obscurité le rectangle jaune d’une porte ouverte. L’homme en uniforme se tenait sur le seuil et, une lanterne à la main, il regardait le ciel. Charging Elk se mit à quatre pattes et se laissa glisser à bas du quai. Le mâchefer crissa légèrement sous ses semelles. Il s’accroupit et, quelques secondes plus tard, dressa la tête. La porte s’était refermée et il ne distingua plus que la fenêtre éclairée. Soudain, il aperçut un cercle de lumière qui dansait sur le quai. La silhouette de l’homme en uniforme se dessinait dans le noir.
    Charging Elk attendit qu’elle se fût éloignée à l’autre bout. Après quoi, il ne perdit pas une seconde. Il bondit sur le quai et se précipita vers la pièce. Il tourna le bouton et la porte s’ouvrit. Il se faufila à l’intérieur, tira le battant derrière lui, puis s’avança aussitôt vers la table où il restait la moitié du pain long, un morceau de fromage enveloppé dans un épais papier et l’une des deux pommes. Il fourra le tout dans les poches de son manteau, puis ouvrit le tiroir de la table dont il étudia le contenu. Il était plein de petits objets parmi lesquels il ne reconnut qu’un bâton à écrire et une poinçonneuse semblable à celles qu’utilisaient les vendeurs de tickets de la troupe. Il s’apprêtait à repousser le tiroir lorsqu’il remarqua tout au fond une petite boîte métallique. Il en força le couvercle et retint une exclamation. Trois pièces d’argent et une poignée de centimes luisaient à la lumière du fil jaune. Il s’empressa de les empocher, puis il remit la boîte à sa place, referma le tiroir et se tourna pour partir. Son regard s’arrêta alors sur un parapluie et une écharpe de laine suspendue à un crochet. Il enroula l’écharpe autour de son cou et saisit le parapluie comme pour s’en faire une arme. Il ouvrit la porte, examina le quai, mais ne vit aucun signe de la lanterne.
    Pendant qu’il s’éloignait en hâte de la gare de marchandises, il leva à son tour les yeux vers le ciel et adressa une prière silencieuse à Wakan Tanka pour le remercier de l’avoir ainsi aidé à mettre la main sur tant de choses précieuses. Il mangea la pomme, puis pensa au pain au chocolat et au tabac qu’il pourrait s’acheter le matin venu.

3
    Charging Elk mangea son pain et son fromage assis sur un cageot de fruits dans un étroit passage sur lequel ouvraient deux magasins. Trop affamé, il ne se souvenait même pas qu’il n’aimait pas le fromage qui, de fait, malgré sa forte odeur, calma les tiraillements de son estomac. Les boutiques étaient fermées, mais au travers du grillage protégeant l’une d’elles, il constata que la vitrine ne contenait apparemment que des chapeaux. Il y avait ceux, très hauts ou alors tout ronds, que portaient les riches, et d’autres qui évoquaient des chapeaux de cow-boys avec leurs bords relevés ou plats comme des dessus de table. Aujourd’hui, la plupart des hommes de l’Agence de Pine Ridge en mettaient de pareils. Les plus âgés avaient des chapeaux noirs à rubans de crin ou bien ornés de perles. Ils portaient de vieux vêtements wasichus dont leur faisaient cadeau les saints hommes blancs et leurs assistants, ainsi que des écharpes noires brillantes achetées aux marchands ambulants. Quand les Oglalas étaient arrivés à Fort Robinson, Charging Elk avait eu la surprise de voir que ces mêmes hommes qui avaient combattu à Little Bighorn à peine un an auparavant étaient habillés ainsi. On aurait dit qu’ils avaient déjà adopté les manières des Indiens des réserves qui, pour la plupart, avaient renoncé au combat huit années plus tôt.
    Il se rappela sans grand plaisir qu’il avait fréquenté presque un an l’école de l’Agence où, installé derrière l’une des rangées de longues tables, il regardait la femme blanche au visage criblé de taches de rousseur inscrire des mots au tableau noir à l’aide d’une craie blanche : garçon, fille, chat, chien, poisson. Elle leur montrait des images en couleur de ces différentes créatures. Les humains étaient roses, le chat, jaune, et le chien, blanc et noir. Les poissons étaient orange et gros, en rien comparables à ceux qu’il connaissait. Ce qui l’intéressait le plus, c’était le chat. Il avait déjà aperçu des

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