A l'écoute du temps

belle.
     
    L'unique réponse
qu'il obtint fut un coup de pied sur une jambe sous les couvertures.
     
    330 Chapitre 14
L'arrivée de grand-mère La deuxième semaine de janvier, la température chuta
soudainement, le thermomètre se maintint entre - 20 et
     
    - 2 5 °E Un vent
violent en provenance du nord cinglait la peau et coupait la respiration. La tuque
enfoncée jusqu'aux yeux et les mains protégées par des moufles épaisses, les
écoliers se blottissaient frileusement près des murs de leur école et tapaient
du pied avec impatience en attendant la cloche qui allait leur permettre enfin
d'entrer se réchauffer à l'intérieur. À l'école Champlain, comme à l'école
Sainte-Catherine, la direction avait au moins eu la sagesse de suspendre les
récréations à l'extérieur tant qu'il ferait aussi froid.
     
    Curieusement,
Richard Morin avait l'impression que ses amours étaient influencées par ce
froid intense. Depuis la reprise des classes, Monique lui semblait étrangement
moins amoureuse. Il s'était tant ennuyé d'elle durant les vacances des fêtes
qu'il avait cru que son amie avait souffert autant que lui de leur séparation.
Cela ne semblait pas être le cas.
     
    Lorsqu'il l'avait
revue pour la première fois, le lundi suivant la fête des Rois, il s'était
précipité à sa rencontre et s'était emparé de sa main comme d'une bouée de
sauvetage.
     
    Il s'était
attendu à ce qu'elle montre la même tendresse et lui dise qu'il lui avait
beaucoup manqué durant les 331 quinze derniers jours. Il n'en fut rien. La
jeune fille s'était contentée de s'informer de ce qu'il avait fait durant ses
vacances avant de lui raconter dans les moindres détails ce qu'elle avait fait
des siennes, à Hull, en compagnie de ses cousins et cousines.
     
    Richard avait
rêvé qu'elle l'embrasserait pour marquer la nouvelle année et sceller leur
amour, mais elle ne fit aucun geste dans ce sens. Bref, elle se conduisait
comme si elle l'avait vu la veille. Il fut si déçu qu'il lui fallut quelques
jours pour s'en remettre et trouver toutes sortes de raisons à un comportement
aussi froid.
     
    Le vendredi
après-midi suivant, la catastrophe s'abattit sur l'adolescent au moment où il
s'y attendait le moins.
     
    A peine venait-il
d'arriver devant l'église qu'il aperçut Monique venant dans sa direction en
compagnie d'une fille qu'il ne connaissait pas.
     
    — Attends-moi au
coin de la rue, dit-elle à la fille en manteau vert. Je te rejoins tout de
suite.
     
    — Fais ça vite,
je suis gelée dit l'inconnue qui jeta un bref regard à Richard avant de
poursuivre son chemin.
     
     
     
    — Qui c'est,
cette fille-là? demanda Richard en désignant l'adolescente du menton.
     
     
     
    — Une fille de
mon école qui reste proche de chez nous.
     
    — Pourquoi elle
t'attend?
     
    — J'ai pas le
choix, dit Monique d'une voix changée.
     
    — Comment ça, pas
le choix?
     
    — Ma mère a
trouvé le coeur que tu m'as donné pour Noël. J'ai été obligée de lui dire que
tu me l'avais donné.
     
    — Puis?
     
    — Elle et mon
père étaient si enragés qu'ils ont parlé de m'envoyer au couvent. Mon père
voulait même venir me chercher après l'école, chaque soir, mais il finit de 332
L'ARRIVÉE DE GRAND-MÈRE travailler trop tard. Il voulait absolument que je lui
dise ton nom et où tu restes, mais je lui ai rien dit.
     
    — C'est correct,
dit son amoureux, vaguement soulagé.
     
    — Ma mère est
venue voir la directrice avant le dîner aujourd'hui. C'est elle qui a trouvé
Hélène Brassard, une fille de septième année qui reste sur De Montigny. La
soeur et ma mère lui ont demandé de m'accompagner quand je viens à l'école et
quand je retourne à la maison.
     
    — Mais elles
peuvent pas faire ça! s'insurgea Richard.
     
    On s'aime tous
les deux. Ton père et ta mère peuvent pas nous empêcher de nous voir.
     
    — Comme tu vois,
ils peuvent le faire, affirma Monique, la voix apparemment noyée par le
chagrin.
     
    — Et si je
faisais peur à la grande niaiseuse qui t'attend?
     
    — Fais pas ça, le
supplia Monique. Si tu fais ça, c'est sûr qu'ils vont m'envoyer au couvent.
     
    — Ben. Qu'est-ce
qu'on va faire pour se voir?
     
    — On va attendre.
Hélène Brassard va peut-être se tanner de me surveiller. Je te ferai signe
quand ça arrivera.
     
    Sur ce,
l'adolescente lui adressa un dernier petit signe de la main et se mit en marche
vers sa compagne qui l'attendait en tapant du pied au