A l'écoute du temps
chez le dentiste. Il coûte ben trop cher et on n'a pas les moyens de
payer ça, expliqua Laurette. Madame Bélanger, à côté, m'a dit qu'à
l'université, ils enlevaient les dents pour rien.
Je vais lui
téléphoner demain matin si Gilles va pas mieux et on ira là, même si c'est à
l'autre bout de la ville.
Le lendemain
matin, Gilles se leva en même temps que son père et son frère Richard qui
devait aller servir la messe de sept heures du curé Perreault. Le roi de la
veille avait les traits tirés de celui qui a mal dormi.
— As-tu encore
mal aux dents? lui demanda sa mère en serrant frileusement contre elle son
épaisse robe de chambre.
— Ça a pas arrêté
de m'élancer toute la nuit, se plaignit l'adolescent.
— C'est une
nouvelle façon de foxer l'école, plaisanta Richard en mangeant une rôtie qu'il
venait de couvrir d'une épaisse couche de beurre d'arachide.
— Si tu veux
prendre ma place, je te la donne, fit son frère en réprimant une grimace de
douleur.
— Bon. Tu vas pas
à l'école aujourd'hui, décida sa mère. On va régler ça cet avant-midi.
— Est-ce qu'il va
falloir que j'aille chez le dentiste? demanda Gilles qui, même s'il n'y était
allé qu'une seule fois quelques années plus tôt, le craignait énormément.
— Non. On va
aller à l'Université de Montréal. On verra ça tout à l'heure.
Un à un, les
Morin quittèrent l'appartement pour le travail ou pour l'école. Quand Carole
s'apprêta à partir à son tour pour l'école Sainte-Catherine, sa mère lui dit:
— Prends la
deuxième clé de la porte d'entrée. Traîne pas après l'école à midi. Vous vous
ferez des sandwichs au poulet pressé pour dîner si on n'est pas encore revenus.
325 Un peu avant
neuf heures, Laurette téléphona à sa voisine pour lui demander des
renseignements à propos des soins dentaires dispensés gratuitement à
l'université.
Catherine
Bélanger lui apprit qu'il y avait une clinique gratuite offerte aux gens par
les étudiants en dentisterie.
À l'entendre, les
futurs dentistes étaient soigneusement supervisés par leurs professeurs.
— Ça coûte pas
une cenne, madame Morin, et l'ouvrage est ben fait, conclut la voisine avant de
raccrocher.
— On est
chanceux, dit Laurette à son fils après avoir raccroché à son tour. A
l'université, il vont te soigner gratis. Ça nous coûtera pas une cenne,
expliqua-t-elle en feignant un enthousiasme qu'elle était loin d'éprouver.
Envoyé!
Habille-toi. On y va. Ils font ça juste l'avant-midi.
Gilles avait
tellement souffert depuis la veille qu'il ne résista pas. Il s'habilla et tous
les deux prirent le tramway pour se rendre à la clinique universitaire. Quand
la mère et l'adolescent entrèrent dans la clinique, une dizaine de clients
attendaient déjà d'être soignés. Une jeune fille enregistra le nouveau patient
et invita la mère et le fils à prendre place dans la salle d'attente.
Après plus d'une
heure d'attente, un jeune homme vêtu d'un sarrau blanc appela Gilles et
l'entraîna dans une petite salle d'examen où il l'invita à s'asseoir dans un
fauteuil qu'il fit légèrement basculer.
— Ouvre la
bouche, lui ordonna-t-il, avant de se mettre à examiner sa dentition en
maintenant sa bouche ouverte avec une petite spatule en bois.
Peu après, un
professeur d'âge mûr pénétra dans la pièce et examina à son tour les dents du
jeune patient.
Gilles, devenu
extrêmement nerveux, serrait convulsivement les bras du fauteuil. Les deux
hommes se 326 LE TEMPS DES FÊTES consultèrent en chuchotant pendant un bref
moment avant que le plus âgé demande à Gilles:
— Ça fait
longtemps que t'es allé chez le dentiste?
— Je me rappelle
pas, monsieur.
Le professeur
adressa un regard entendu à l'étudiant en dentisterie.
— Bon. On va
t'arranger ça, ce sera pas long. Tu sentiras rien parce qu'on va t'endormir.
Gilles eut à
peine le temps de hocher la tête que l'étudiant lui posa un masque sur le
visage. Il se sentit d'abord étouffer et voulut se débattre, mais très
rapidement, il perdit conscience.
Lorsque
l'adolescent se réveilla, il était légèrement étourdi et un peu nauséeux. Il
avait la bouche extrêmement sensible. Sa mère était debout près de lui.
— Faites-le
asseoir dans la salle d'attente une dizaine de minutes avant de partir, lui
conseilla l'étudiant qui avait
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