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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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coin de la rue. Le coeur
gros, Richard remit sa tuque qu'il avait enlevée pour attendre son amie de
coeur et, les mains enfouies profondément dans les poches de son manteau, il
prit la direction de la rue Fullum.
     
    Ce soir-là, le
garçon de Laurette Morin n'eut pas le temps de s'enfoncer davantage dans son
chagrin. Après le souper, Gérard s'empressa de syntoniser Radio-Canada 333 pour
écouter le reportage en direct de l'arrivée en grande pompe de Paul-Emile Léger
à la gare Windsor de Montréal.
     
    Depuis plusieurs
jours, les journaux et la radio n'avaient cessé de parler de celui que Pie XII
avait sacré cardinal le mois précédent. Les autorités civiles et ecclésiastiques
avaient tout mis en oeuvre pour que le retour de Rome du premier cardinal
canadien français soit mémorable.
     
    À en croire
Jean-Paul Nolet et Roger Baulu, une foule nombreuse avait bravé le froid
sibérien de cette soirée du 11 janvier pour se masser sur les quais et autour
de la gare Windsor dans l'intention d'acclamer le nouveau prince de l'Église.
Le premier ministre Maurice Duplessis lui-même, entouré de tous ses ministres,
ainsi que le maire Camilien Houde et ses échevins s'étaient déplacés pour
honorer de leur présence le prélat dès son arrivée.
     
    — Est-ce qu'il
est à la veille de débarquer? demanda Laurette, mécontente de rater une
émission durant laquelle Willie Lamothe devait interpréter ses derniers succès.
On n'est pas pour passer la soirée à attendre.
     
    A l'instant même,
Jean-Paul Nolet annonça l'entrée en gare du train tant attendu. Il nomma un
certain nombre de dignitaires qui s'approchaient du wagon spécial dans lequel
le cardinal prenait place. Puis, il y eut les cris de la foule venue applaudir
le nouveau cardinal. Roger Baulu décrivit l'accueil plein d'égards réservé par
les supérieurs de plusieurs communautés religieuses et les présidents
d'organismes diocésains à l'archevêque de Montréal.
     
    Finalement, on
tendit un micro à celui qui portait avec majesté le rouge cardinalice, selon le
reporter de Radio- Canada.
     
    — Fais-toi belle,
ma ville, pour l'arrivée de ton prince, déclara un Paul-Emile Léger d'une voix
grandiloquente à sa descente du train.
     
    334 L'ARRIVÉE DE
GRAND-MÈRE
     
    — Eh ben! On peut
dire qu'il se prend pas pour n'importe qui, lui, ne put s'empêcher de faire
remarquer Laurette d'une voix acide. C'est pas mal rare d'être enflé comme ça.
     
    — Laurette! fit
son mari en lui montrant les enfants avec un air désapprobateur.
     
    La sonnerie du
téléphone lui évita de prononcer la réplique qu'elle avait sur le bout de la
langue. Elle quitta sa chaise berçante pour aller décrocher le récepteur.
     
    — Ça va ben,
dit-elle d'une voix neutre. Attends, je vais te passer ton frère s'il veut ben
baisser son maudit radio. C'est Colombe, fit-elle en s'adressant à son mari qui
venait de diminuer le volume de la radio. Viens lui parler.
     
    Gérard se leva et
s'empara de l'appareil que lui tendait sa femme.
     
    — Bonsoir,
Colombe. Est-ce que ça va? T'écoutes pas l'arrivée du cardinal au radio? Il
écouta sa soeur cadette durant quelques instants avant de répondre:
     
    — Oui, je
comprends. Non. Il y a pas de problème. On va vous attendre.
     
    Il raccrocha.
     
    — Puis? demanda
Laurette, curieuse.
     
    — C'est demain
avant-midi qu'ils vont nous amener ma mère, dit-il à sa femme, comme si cela
n'avait aucune importance.
     
    — Comment ça,
demain matin? protesta Laurette, furieuse. Ils nous avaient dit le 15. Demain,
c'est juste le 12. C'était entendu qu'ils l'amèneraient juste mardi.
     
    — Je le sais,
reconnut Gérard, mais il paraît que leur propriétaire a promis au nouveau
locataire d'entrer dans leur logement samedi après-midi. Ils sont obligés de
partir, ils ont pas le choix.
     
    335
     
    — Maudit verrat!
jura Laurette. Il fallait qu'elle nous tombe dessus en plein samedi. Mon
samedi! Moi, le samedi, je sors d'habitude, prit-elle le soin de préciser,
comme si les siens l'ignoraient.
     
    — Quand ben même
tu manquerais un samedi, c'est pas la fin du monde, la réprimanda son mari.
     
    — Je le sais,
maudit! Mais ça m'enrage pareil!
     
    — Qu'est-ce que
tu veux qu'on y fasse? fit Gérard.
     
    — En tout cas,
nous autres, on n'est pas prêts pantoute à avoir ta mère sur les bras aussi
vite. As-tu oublié qu'il faut déménager les deux chambres? Pour faire exprès,
Gilles et Denise

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