A l'écoute du temps

curé
Damien Perreault. À son avis, l'aveu à l'un ou l'autre des vicaires serait
mille fois moins pénible.
     
    La porte du
guichet s'ouvrit et la vieille bonne au chignon blanc ne prit même pas la peine
de lui demander si elle voulait rencontrer un prêtre en particulier. Elle se
contenta de déclencher l'ouverture automatique de la porte de la petite salle
d'attente après avoir commandé à la visiteuse:
     
    — Enlevez vos
bottes et assoyez-vous dans la salle d'attente. On va vous répondre dans un
instant, madame.
     
    Laurette n'eut
même pas le temps de la remercier. La porte du guichet claqua et elle suivit Richard
dans la salle dont il venait de pousser la porte. Elle s'assit lourdement sur
une chaise après avoir déboutonné son épais manteau de drap noir.
     
    442 La mère de
famille, nerveuse, se mit à triturer son sac à main, sans remarquer les traits
altérés de son fils qui s'était assis deux chaises plus loin.
     
    La porte s'ouvrit
enfin sur un Damien Perreault dont le sourire sans chaleur s'effaça quand il
reconnut la visiteuse.
     
     
     
    — Si vous voulez
me suivre, madame, dit-il d'une voix unie en lui tournant déjà le dos pour
aller s'asseoir derrière le bureau de la petite pièce où les paroissiens
étaient reçus.
     
    Laurette avait
juré intérieurement en apercevant le visage du curé de la paroisse. Pour un
peu, elle aurait tourné les talons et serait revenue à la maison avec son fils
pour ne pas avoir à affronter celui qu'elle avait surnommé «le maudit air
bête». Elle aurait pu exiger que Richard dépose l'argent dans l'un des troncs
de l'église, mais la leçon n'aurait pas eu la même portée. Il fallait qu'il paie
pour le geste qu'il avait posé. Il n'était pas question de reculer, qu'elle
apprécie le curé Perreault ou non. D'ailleurs, il était trop tard maintenant.
Après un bref moment de flottement, elle fît signe à son fils d'entrer dans le
bureau où le prêtre les attendait déjà et elle le suivit.
     
    — Vous pouvez
fermer la porte derrière vous, madame, dit Damien Perreault d'une voix sans
chaleur.
     
    Laurette
s'exécuta avant de s'asseoir et de faire signe à Richard de prendre place sur
la chaise voisine. Rien dans le comportement du prêtre n'indiquait qu'il avait
reconnu l'adolescent qu'il avait fait monter à bord de sa voiture quelques
semaines auparavant.
     
    — Qu'est-ce que
je peux faire pour vous? demanda le curé en fixant,sa paroissienne sans ciller.
     
    — Mon garçon a
quelque chose à vous dire, fit la mère en se tournant vers son fils dont le
visage était devenu écarlate.
     
    443
     
    — Bon, je
t'écoute, fit le prêtre en se tournant lui aussi vers l'adolescent.
     
    Ce dernier se
leva et déposa sur le bureau, devant lui, une poignée de billets de banque
froissés en affichant un air coupable.
     
    — Qu'est-ce que
c'est? demanda le prêtre, interloqué.
     
    — J'ai pris cet
argent-là dans l'assiette de la quête hier matin, balbutia un Richard Morin au
visage d'une pâleur inquiétante.
     
    Il aurait tout
donné pour pouvoir disparaître sous le plancher.
     
    Laurette se leva
à son tour.
     
    — Je vais
attendre dans la salle à côté, annonça-t-elle simplement. Je pense, monsieur le
curé, que vous avez des choses à lui dire.
     
    Là-dessus, elle
ouvrit la porte, sortit et referma sans bruit derrière elle. La mère de famille
patienta une dizaine de minutes dans la salle d'attente. De temps à autre, elle
entendait la voix tonnante de Damien Perreault en contrepoint aux murmures de
son fils. Finalement, Richard sortit de la pièce, le visage décomposé, mais
tentant, tant bien que mal, de faire bonne figure.
     
    — Monsieur le
curé veut vous parler, dit-il à sa mère.
     
    Je vous attends
dehors.
     
    Laurette entra
dans le bureau. Le prêtre n'avait pas bougé. En la voyant, ce dernier se leva,
l'air impénétrable.
     
    — Madame Morin,
je peux pas dire que ce que je viens d'apprendre me fait plaisir, loin de là.
     
    — À moi non plus,
monsieur le curé, ça m'a pas fait plaisir, lui fit remarquer Laurette, un ton
plus bas.
     
    — Mais je tiens
tout de même à vous féliciter pour votre geste. Vous venez de servir à votre
garçon une leçon 444 dont il va se souvenir toute sa vie. Je me doute que cela
a pas dû être facile pour vous de le traîner jusqu'ici pour le faire avouer. Je
vous souhaite de ne plus jamais avoir à faire ce genre de démarche.
     
    — Moi aussi,
monsieur