A l'écoute du temps
réplique.
L'adolescent
choisit de ne pas poursuivre la dispute. Il venait d'entendre les pas de son
père dans le couloir et la journée avait été assez chargée comme ça.
Il s'en voulait
depuis le moment où il avait bêtement avoué à sa mère avoir volé l'argent. Il
aurait pu dire qu'il avait trouvé un porte-monnaie sans nom et sans adresse et
le pire qui lui serait arrivé aurait été de remettre tout l'argent à sa mère.
Bien non! Comme un imbécile, il était allé dire qu'il l'avait volé. Il avait
non seulement perdu son argent, mais il avait été obligé d'aller tout raconter
au curé qui l'avait engueulé et traité de voyou. Pour lui, c'était fini le
travail de servant de messe et le plaisir d'arriver en retard à l'école sans se
faire disputer.
— Maudit que j'ai
été niaiseux! se reprocha-t-il à voix basse.
Par stupidité, il
avait perdu tout son argent et tous ses plans étaient tombés à l'eau. S'il
avait été assez intelligent pour aller cacher son argent dans la cave en allant
chercher 45o du charbon, personne ne l'aurait jamais trouvé et il aurait pu
acheter le cadeau destiné à Monique et se payer des cigarettes pendant au moins
trois mois... Là, il était bien avancé: il ne lui restait presque plus rien.
Lorsque Gilles
vint se mettre au lit une heure plus tard, il fit semblant de dormir.
— Pourquoi m'man
t'a puni pour un mois? lui demanda son frère, certain qu'il feignait le sommeil.
— Aie, Richard
Morin! Fais pas semblant de dormir.
Je le sais que tu
dors pas, ajouta Gilles en se glissant sous les couvertures.
— C'est pas de
tes maudites affaires, murmura le puni.
Si tu veux
absolument le savoir, va le demander à m'man.
Deux jours plus
tard, durant la nuit, le mercure chuta si bas que Laurette découvrit à son
lever que l'épaisse couche de glace avait refait son apparition sur les
plinthes au bas des murs de la cuisine. Les vitres des fenêtres étaient
opaques. On grelottait dans l'appartement, même si elle s'était levée en deux
occasions durant la nuit pour ajouter du charbon dans la fournaise.
— Bonyeu! On est
presque au mois de mars et on gèle autant qu'au mois de janvier, se dit-elle à
mi-voix. Pour être ben, il faudrait chauffer le poêle de la cuisine toute la
nuit, mais ça aurait pas de bon sens, ça nous coûterait ben trop cher de
chauffage.
Par conséquent,
elle attendit la dernière minute pour réveiller les siens et donner ainsi le
temps au poêle de réchauffer la pièce. Avant de quitter la maison, ce matin là,
chacun s'emmitoufla soigneusement. Richard avait purgé sa dernière retenue la
veille et il se proposait d'aller attendre Monique à la fin des classes pour
lui 45! parler, qu'elle ait un chaperon à ses côtés ou pas. Il avait longuement
songé à lui remettre un petit billet doux depuis la Saint-Valentin, mais les
mots pour exprimer ce qu'il voulait lui dire ne lui venaient pas. Il avait
finalement jugé préférable d'aller l'attendre devant l'église, près de l'école
Sainte-Catherine, comme il l'avait fait chaque jour avant les vacances des
fêtes.
Cet
après-midi-là, il n'attendit pas ses copains et se dépêcha de remonter la rue
Fullum jusqu'au coin de Sainte-Catherine où il prit sa faction devant l'église,
malgré le froid mordant qui lui pinçait les oreilles. Une centaine de pieds
plus loin, un grand, vêtu d'un manteau bleu, était appuyé contre la clôture du
couvent et semblait attendre une fille, en fumant une cigarette.
Après avoir
brièvement hésité, Richard décida de conserver sa tuque et ses moufles pour
attendre celle qu'il aimait. Le vent qui venait de se lever rendait le froid
encore plus insupportable. La tête enfoncée entre les épaules, l'adolescent
frappait ses pieds l'un contre l'autre pour les réchauffer. Déjà, les écolières
avaient commencé à envahir le trottoir et leurs cris excités s'entendaient de
loin. Le visage de la plupart d'entre elles était dissimulé derrière une
écharpe épaisse qui ne laissait voir que leurs yeux.
Soudain, Richard
vit le grand abandonner son poste d'observation et s'avancer vers deux filles.
La plus grande des deux laissa sa compagne et traversa la rue avant
l'intersection sans plus s'occuper d'elle. L'autre accéléra le pas et s'empara
de la main du garçon qui se pencha sur elle pour déposer sur ses lèvres un
rapide baiser. Le couple se remit en marche et traversa à
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