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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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s'assurer qu'il lui disait bien la vérité.
     
    — Bon. Est-ce que
je peux m'en aller à l'école à cette heure? Je vais être en retard et le
bonhomme Nantel va me mettre en retenue.
     
    — MONSIEUR
Nantel, petit baveux! le corrigea hargneusement sa mère. Je te le répéterai pas
une autre fois. Laisse faire l'école. Tu t'en viens avec moi au presbytère.
     
    — Hein? Pour
faire quoi? demanda Richard en blêmissant soudain.
     
    — Tu penses tout
de même pas que tu vas garder cet argent volé là! s'écria Laurette, toujours
aussi enragée.
     
    Non, monsieur! Tu
t'en viens avec moi le remettre à monsieur le curé et tu vas t'excuser, je t'en
passe un papier!
     
    — Je peux pas
faire ça, m'man! la supplia son fils. Il voudra plus jamais que je serve la
messe. Il va penser que je suis un maudit voleur.
     
    — C'est en plein
ce que t'es, rétorqua sa mère. Et surtout, va pas t'imaginer que ça me fait
plaisir d'aller me tramer au presbytère pour dire au curé Perreault que mon
garçon a volé de l'argent de la quête. On est pauvres, mais on n'est pas des
voleurs, tu sauras.
     
    — Je veux pas y
aller! déclara tout net l'adolescent en se réfugiant prudemment dans l'entrée
du couloir.
     
    — Comme tu
voudras, dit sèchement sa mère en allumant une cigarette d'une main tremblante.
Quand ton père arrivera de l'ouvrage, on va faire venir la police. Tu vas aller
à l'école de réforme jusqu'à vingt et un ans. C'est ça que tu veux? Parfait!
C'est là que tu vas aller! Là, les bitms comme toi, ils savent quoi faire avec.
     
    440 Elle laissa
son fils disparaître dans sa chambre durant un long moment. Ce dernier était
fou de rage et surtout humilié. Il s'assit sur son lit, incapable de prendre
une décision. Sa mère n'avait pas le droit de venir fouiller dans ses affaires.
Elle n'avait pas le droit non plus de le frapper comme elle venait de le faire
et, par-dessus tout, de l'obliger à aller restituer l'argent au presbytère.
     
    Pourquoi pas le
garder, cet argent-là? Il manquerait pas à personne. Puis il caressa durant de
longues minutes l'idée de fuir la maison, d'aller vivre ailleurs. Mais où
aller? Aucun de ses oncles n'accepterait de l'héberger. Pire, ils
s'empresseraient d'alerter ses parents qui seraient plus fâchés encore contre
lui.
     
    Il n'y avait pas
à dire, l'après-midi ne risquait pas de ressembler à ce qu'il avait planifié
depuis le matin. Il avait projeté d'aller acheter après le dîner l'un des
coeurs en chocolat aperçu la veille dans la vitrine de chez Charland, de le
dissimuler sous son manteau jusqu'en classe où il l'aurait glissé
subrepticement dans son sac d'école. A la fin des classes, il voulait se
dépêcher d'aller se poster devant l'église pour remettre cette boîte de
chocolats à Monique, accompagnée ou pas par sa voisine. Ce cadeau de la Saint-
Valentin devait lui faire comprendre clairement qu'il ne l'oubliait pas et
qu'il l'aimait toujours.
     
    — Maudit que je
suis pas chanceux! se lamenta-t-il, les larmes aux yeux. Il y a jamais rien qui
marche! Finalement, ne voyant aucune issue possible à la situation dans
laquelle son geste l'avait placé, l'adolescent se leva et, la mort dans l'âme,
quitta sa chambre pour aller rejoindre sa mère qu'il retrouva, assise dans sa
chaise berçante, en train de fumer paisiblement, du moins en apparence.
     
    — Quand est-ce
qu'on y va? demanda-t-il d'une voix blanche.
     
    441 CHERE
LAURETTE
     
    — Tout de suite,
répondit-elle en se levant après avoir éteint son mégot dans le cendrier.
     
    Elle se dirigea
vers le couloir où étaient suspendus les manteaux et entreprit d'endosser le
sien.
     
    — Prends l'argent
sur la table, lui ordonna-t-elle avant de déposer son chapeau sur sa tête.
     
    Durant le court
trajet qui mena la mère et le fils au presbytère de la paroisse
Saint-Vincent-de-Paul, coin Fullum et Sainte-Catherine, aucune parole ne fut
échangée. Légèrement essoufflée d'avoir dû escalader la dizaine de marches qui
conduisaient au palier, Laurette attendit un court moment pour retrouver son
souffle avant de sonner et de pousser la porte. À la vue du guichet à la vitre
givrée, la mère de famille esquissa une grimace en se rappelant sa dernière
visite orageuse au presbytère l'année précédente, quand elle était venue
chercher le baptistère de Jean-Louis. En attendant que la servante vienne
répondre, Laurette fit une courte prière pour ne pas être reçue par le

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