A l'écoute du temps
avec une équipe de
relève et la cuisine des Brûlé retentit toute la soirée de joyeuses
exclamations et d'accusations plus ou moins erronées de jouer «fessier».
À onze heures,
les Morin prirent congé de leurs hôtes après avoir invité les deux frères Brûlé
et leurs compagnes à venir les visiter.
— Ça fait du bien
de se changer les idées, dit Laurette en marchant à petits pas aux côtés de son
mari sur le trottoir inégal de la rue Fullum.
— Tant que ton
frère Armand nous parle pas trop de sa job chez Molson, ça s'endure.
Armand Brûlé
adorait son emploi à la compagnie Molson de la rue Notre-Dame et devenait
intarissable quand il abordait ce sujet.
— C'est vrai
qu'il est aussi fatigant avec ça que Marie- Ange avec ses maudites maladies,
reconnut Laurette avec un petit rire. Une chance que Pauline lui met le holà de
temps en temps. Avec eux autres, il y a pas à se poser de questions pour savoir
qui porte les culottes dans le ménage, ajouta-t-elle.
— Ils doivent se
dire la même chose quand ils nous voient, fit Gérard, sarcastique.
— Comment ça?
demanda sa femme.
— C'est facile de
deviner qui mène chez nous.
— C'est qui,
d'après toi? 107
— Toi, laissa
tomber son mari en riant.
— Whow! Gérard
Morin, protesta sa femme. Tu feras jamais croire à personne que t'es le genre
d'homme à se laisser mener par le bout du nez par sa femme.
— Je suis pas sûr
de ça pantoute, répliqua ce dernier, mi-sérieux.
— Viarge! J'aurai
tout entendu! s'exclama Laurette avec une bonne dose de mauvaise foi. Il y a
pas plus douce que moi.
— Ben voyons! se
moqua gentiment son mari.
Le couple ne
trouva plus rien à se dire jusqu'à la maison.
Ce soir-là, ils
se mirent au lit en songeant qu'une autre semaine de travail allait débuter le
lendemain matin.
Chapitre 5 La
rentrée des classes Le mois de septembre s'installa doucement, annonciateur du
retour en classe des enfants au lendemain de la fête du Travail. Pourtant, on
aurait juré que la nature avait oublié que c'était la fin des vacances
scolaires parce que le temps demeurait aussi beau et chaud que durant le mois
précédent.
La veille de la
rentrée scolaire, Laurette procéda à l'examen des vêtements que les trois plus
jeunes devraient porter pour retourner à l'école. Comme chaque automne, elle ne
put que constater à quel point ses enfants avaient grandi durant l'été. Par
conséquent, certains vêtements n'allaient plus, ce qui eut le don de mettre la
mère de famille de fort mauvaise humeur.
— Bout de viarge,
ça a pas d'allure! s'exclama-t-elle en tenant le costume bleu de Carole devant
l'adolescente de onze ans plantée au garde à vous devant elle. Ma foi du bon
Dieu, arrête de grandir! Bonyeu, on dirait que tu fais exprès! Regarde ta robe
d'école. Il va falloir que je défasse encore le bord pour l'allonger. C'est la
dernière fois que je peux faire ça. Il y a plus de matériel.
— Ben, m'man,
c'est pas de ma faute, protesta la cadette de la famille.
— Laisse faire le
«ben, m'man» et va cirer tes souliers sinon les soeurs vont te chicaner demain
matin. Une affaire pour mal commencer l'année.
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— Et nous autres,
m'man? demanda Gilles en entrant dans la cuisine, suivi de près par Richard.
Nos running shoes sont usés jusqu'à la corde. Les miens sont percés,
ajouta-t-il en montrant la semelle trouée de l'une de ses chaussures à sa mère.
— Je le vois ben!
s'écria Laurette, impatiente. J'ai passé l'été à vous répéter d'y faire
attention, mais comme d'habitude vous m'avez pas écoutée. Regardez-vous, à
cette heure! Il va encore falloir que j'aille vous acheter des souliers neufs
chez Yellow demain, après l'école. Avec quel argent, vous pensez? Il pousse pas
dans les arbres, cet argent-là.
— Moi, en tout
cas, mes pantalons sont ben trop courts, intervint Richard à son tour. Je suis
pas pour aller à l'école avec ça, ajouta-t-il en lui montrant le vieux pantalon
brun porté les années précédentes par ses frères Gilles et Jean-Louis. Tout le
monde va rire de moi.
— Toi, viens pas
me fatiguer! le coupa sa mère sur un ton sans réplique. Je vais d'abord
commencer par vous acheter des souliers. Tes pantalons sont pas déchirés. Ils
peuvent toffer encore un bout de temps. On n'est pas pour les jeter parce
qu'ils te montent un peu au-dessus des chevilles.
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