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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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comme d'habitude.
     
    181
     
    — Moi, je peux
pas à cause de Tougas, m'man, expliqua Gilles.
     
    — Dans ce cas-là,
tu les feras le samedi soir, rétorqua sa mère. T'attendras pas le dimanche non
plus.
     
    Soudain, Richard
tira de son cartable quelques feuilles brochées ensemble.
     
     
     
    — Est-ce qu'il y
a quelqu'un qui va me faire pratiquer mes réponses de servant de messe?
demanda-t-il à la cantonade.
     
    — Est-ce que
c'est en latin, cette affaire-là? lui demanda sa mère.
     
    — Ben oui, m'man.
     
    — Moi, je suis
pas capable, déclara-t-elle tout net.
     
    — Arrive, lui dit
son père après avoir poussé un soupir d'exaspération. Ça va me rappeler le
temps où je servais la messe à Saint-Hyacinthe. Fais ça vite. J'ai mes
cigarettes à faire et j'ai pas l'intention de manquer le commencement de la
partie de hockey.
     
    Richard
s'empressa de tendre ses feuilles un peu froissées à son père qui, après une
rapide consultation, se mit à lire en latin d'une voix mal assurée la première
réplique du prêtre.
     
    — Et introibo ad
altare Dei...
     
    — Ad Detim qui
laetificat juventutem?nea?n, répondit Richard sans hésiter.
     
    Durant quelques
minutes, le fils répondit aux phrases latines ânonnées par son père, mais d'une
voix de moins en moins assurée.
     
    — Si tu connais
pas plus tes réponses que ça, intervint sa mère au moment où son père lui
remettait ses feuilles, je te garantis que c'est pas demain la veille qu'on va
te voir servir la messe.
     
    — Il me reste
encore la journée de demain pour les apprendre avant d'aller à la pratique, dit
Richard.
     
    182 UNE
INITIATIVE En tout cas, je sais tout ce que j'ai à faire pendant la messe.
     
    — Tant mieux pour
toi, laissa tomber Laurette. Mais arrange-toi pas pour faire rire de toi. En
attendant, enlève-moi ton sac d'école dans les jambes et va le porter dans ta chambre.
Je vous l'ai dit mille fois depuis que l'école a commencé que je voulais pas
voir traîner votre sac dans la cuisine quand vos devoirs étaient finis.
     
    L'adolescent prit
son sac et alla rejoindre son frère Gilles dans leur chambre.
     
    — Viens-tu écouter
la première période de hockey? demanda-t-il à son frère, étendu sur le lit, en
train de lire un livre.
     
    — Ouais. Est-ce
que c'est commencé?
     
    — Non. P'pa vient
d'allumer le radio.
     
    À l'instant, les
deux jeunes entendirent la voix enthousiaste de Michel Normandin parlant du
début de saison extraordinaire que connaissait Maurice Richard, la grande
étoile du Canadien de Montréal. Si on se fiait aux cris des milliers de
spectateurs rassemblés ce soir-là au Forum, le match opposant les Red Wings de Détroit
au Canadien de Montréal promettait d'être enlevant. Il allait permettre à
Gordie Howe et à Maurice Richard, les deux grandes vedettes de l'heure, de
s'affronter devant une foule partisane.
     
    Gilles et Richard
s'empressèrent de retourner dans la cuisine que Jean-Louis et Carole venaient
de déserter, peu intéressés à écouter une partie de hockey. La mère de famille
demeura stoïque dans sa chaise berçante, occupant ses doigts à repriser tant
bien que mal les vêtements des siens. L'hymne national emplit alors la pièce.
     
    — Maudit que
c'est plate, cette affaire-là, dit Laurette en parlant du hockey. Une chance
qu'il y en a juste deux fois par semaine.
     
    183
     
    — Comme tu dis,
fît sèchement son mari. Il y en a juste les samedis et dimanches soir. À cette heure,
laisse-nous écouter tranquilles la partie.
     
    Ses fils
rapprochèrent leur chaise de la radio, comme si le fait d'être plus près de
l'appareil leur permettait de mieux imaginer ce qui se déroulait sur la glace
du populaire aréna de la rue Sainte-Catherine.
     
    Le lendemain
après-midi, Richard s'empressa d'aller à la rencontre de Monique Côté, laissant
ses copains un peu moqueurs derrière lui. Il avait fait des confidences à
quelques-uns d'entre eux pour expliquer ce qui l'empêchait de revenir à la maison
en leur compagnie après les heures de classe. Ces derniers, dissimulant mal
leur envie, lui avaient demandé pourquoi il s'encombrait d'une fille.
     
    — C'est pas de
vos affaires, avait tranché l'adolescent, débordant de vanité. Vous êtes encore
trop jeunes pour comprendre, avait-il ajouté pour plaisanter.
     
    Et tout avait été
dit. Les jours suivants, s'il marchait toujours avec les deux ou trois mêmes
camarades le matin et le midi

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