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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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minutes.
     
    Là-dessus, elle
disparut dans sa chambre dont elle referma la porte derrière elle.
     
    — Pas un mot!
Rien! marmonna-t-elle. Vingt ans ensemble, il me semble que ça veut dire
quelque chose, bonyeu! Ben non. Moi, je suis juste une servante ici dedans. Je
suis juste bonne à torcher et à faire à manger! La folle, c'est moi! Il y a
jamais rien qui marche comme du monde, ajouta-t-elle en empoignant les
couvertures sur le lit pour les jeter par terre.
     
    Après avoir
retapé les oreillers, elle se mit à étendre les couvertures sur le lit avec des
gestes brusques. Ensuite, elle enleva sa robe de chambre puis son épaisse robe
de nuit en flanellette. Elle se campa alors devant le miroir fixé au-dessus de
son bureau. La vue de tous ses bourrelets la déprima encore plus.
     
    — Regarde-toi
donc, Laurette Brûlé! T'as l'air d'une grosse truie arrangée de même!
ragea-t-elle. Pas un homme aurait envie de toi. Il m'aime plus. C'est sûr qu'il
me trouve trop vieille, à cette heure. En plus, je suis rendue trop grosse. Il
est écoeuré de moi. C'est pour ça qu'il est de même. Je lui ai donné cinq
enfants, murmura-t-elle en s'apitoyant sur son sort. Et c'est comme ça qu'il me
remercie.!95 Elle se laissa tomber sur son lit, au bord du désespoir.
     
    Elle pleura de
longues minutes. Le coeur serré, elle se voyait abandonnée par un mari qui ne
voulait plus d'elle.
     
    Elle fut tirée de
cet attendrissement sur elle-même par des coups frappés à sa porte.
     
    — Oui. Qu'est-ce
qu'il y a? demanda-t-elle, la voix étranglée.
     
    — Je pars tout de
suite pour l'église, m'man, fît Richard sans ouvrir la porte. L'abbé Laverdière
m'a demandé d'être là à sept heures et demie.
     
    — OK.
     
    — Vous allez
venir me voir servir la messe?
     
    — Ben oui. Je te
l'ai dit tout à l'heure. Est-ce que vous avez réveillé Denise?
     
    — Oui. Elle est
debout.
     
    Laurette demeura
dans sa chambre, cherchant en elle-même le courage de s'habiller. Dix minutes
avant la messe, elle quitta la pièce. Elle posa sur sa tête son chapeau et
endossa son manteau et ses bottes sans dire un mot.
     
    — Barrez ben les
portes en partant, dit-elle aux siens avant de sortir.
     
    A l'extérieur,
même s'il était encore un peu trop tôt pour aller à l'école, de nombreux
enfants avaient envahi les rues Emmett et Archambault. Ils s'amusaient avec la
première neige de la saison. Certains se lançaient des boules de neige tandis
que d'autres tentaient de faire un bonhomme qui, déjà, tournait au gris.
Laurette, le visage fermé, se dirigea d'un pas prudent vers l'église paroissiale
en prenant garde de ne pas glisser.
     
    Quelques minutes
plus tard, la mère de famille n'y retrouva qu'une dizaine de fidèles venus
assister à la dernière messe du matin. Elle s'agenouilla dans l'un des premiers
bancs pour que son fils puisse constater qu'elle était bien venue le voir
servir sa première messe.
     
    196
L'ANNIVERSAIRE DE MARIAGE Laurette n'avait jamais été particulièrement
fervente.
     
    Elle pratiquait
sa religion parce que c'était ce qui se faisait dans son milieu. Elle ne se
posait pas de questions. Ses présences à l'église étaient dictées autant par la
crainte du qu'en-dira-t-on que par la peur irraisonnée des flammes de l'enfer.
En d'autres mots, elle se vantait de n'avoir jamais été une grenouille de
bénitier et il fallait vraiment une raison particulière pour l'attirer à
l'église un autre jour que le dimanche.
     
    Bien sûr, elle
avait toujours tenu à donner le bon exemple à ses enfants en venant se
confesser une fois par mois, en assistant à la grand-messe chaque dimanche et
en s'imposant même une privation durant le carême. Elle leur avait appris leur
prière du soir sans pour autant se sentir obligée de se plier à la récitation
du chapelet en famille diffusé chaque soir, à sept heures, par le poste CKAC.
     
    — J'ai pas besoin
de monseigneur Léger pour me faire dire mon chapelet quand j'en ai envie,
avait-elle rétorqué à sa belle-soeur Pauline qui trouvait étrange qu'elle ne
réunisse pas les siens, chaque soir, pour cette récitation.
     
    Quand la mère de
famille quitta l'église, elle était fière de son fils. A aucun moment, le
célébrant n'avait été obligé de le rappeler à l'ordre. Tout s'était bien
déroulé.
     
    Elle retourna
lentement chez elle, toujours aussi attentive à ne pas glisser sur les
trottoirs inégaux. Maintenant, les écoliers

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