Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
A l'ombre de ma vie

A l'ombre de ma vie

Titel: A l'ombre de ma vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Florence Cassez
Vom Netzwerk:
feuille puisqu’on m’y oblige.
    Ce que je viens de signer, c’est en fait l’acceptation de ma
garde à vue. Elle peut durer quatre-vingt-dix jours, ici. Cela correspond au
temps de l’enquête, le temps pour la police judiciaire de recueillir des
preuves, et voilà ce que je viens de signer : quatre-vingt-dix jours
d’enfermement. Comment aurais-je pu deviner ?
    C’est bien la nuit. Des hommes armés et cagoulés nous ont sortis
de la Siedo où nous aurons passé un peu moins de vingt-quatre heures. Je
monte dans une autre camionnette. Il y a un peu plus de trois jours que tout
cela a commencé et au moins, maintenant, je sais que mes parents savent ce qui
m’arrive, qu’ils pensent à moi, qu’ils vont peut-être pouvoir faire quelque
chose. Pourtant, j’ai toujours aussi peur. En arrivant à l’arraigo, le
local de garde à vue, je tremble toujours, c’est plus fort que moi. Je n’ai
même pas réussi à réfléchir à l’implication d’Israël, à ce que tout cela
signifie, pourquoi il a reconnu ces horreurs…
    Personne ne me parle. Encore des escaliers, des grilles, des
couloirs un peu moins larges, un peu plus propres, dirait-on. Mais c’est la
nuit. J’arrive devant une cellule et c’est là que je dois entrer. Il y a déjà
quatre filles, qui dorment ou font comme si. On me dit qu’il y a une salle de
bains et j’en profite. Je vois du savon, une serviette. Voilà quatre jours que
je ne me suis pas lavée, que je n’ai pas eu un moment d’intimité ; la douche
me fait du bien, je reprends un peu mes esprits. Quand j’ai fini, une des
filles me dit tout bas qu’il y a des micros et des caméras, qu’il faut dormir.
Je m’allonge et je m’écroule.
    À six heures, c’est le branle-bas de combat. Tout le monde
se lève. C’est un autre monde, ici, tout en silence et en discipline. Les
quatre filles me regardent autrement, elles ne me posent pas de questions. Mais
elles me prêtent des sous-vêtements, c’est déjà ça. Il faut sortir de la
cellule, rester debout devant la grille et attendre l’ordre d’avancer vers le
réfectoire. On me dit qu’ici il faut garder la tête baissée, les bras croisés,
qu’il ne faut surtout pas parler. Je sens une discipline de fer, mais pas
l’inquiétante folie de la Siedo. C’est un peu plus apaisant. J’ai
toujours peur, mais j’ai encore la voix de ma mère en tête. Ils vont faire
quelque chose, m’envoyer quelqu’un, un peu de confiance me revient.
    En silence, en file indienne, on nous guide vers un
réfectoire. En silence, il faut s’asseoir, regarder ses pieds et surtout pas
les types de l’AFI, armes à la main, postés tout autour de la pièce. En
silence, ils commencent tous à manger et à boire. C’est le petit déjeuner mais
je suis incapable d’avaler quoi que ce soit ; je me sens épiée, un peu
comme la bête curieuse de cette immense cantine où nous sommes bien deux cents,
sagement assis, résignés, tenus en respect. En un mot, prisonniers.
    Je suis la dernière arrivée, mais je m’aperçois que tout le
monde me connaît. Ils m’ont tous vue à la télévision, il y a quatre jours, lors
du montage de notre arrestation en direct. Ils s’imaginent tous que nous avons
été surpris dans notre sommeil, avec trois personnes que nous avions
kidnappées ; ils pensent qu’Israël est le chef des Zodiacos et que je suis
sa complice ; ils ont suivi notre transfert à la Siedo, entendu les
commentaires des journalistes dont je ne sais encore rien mais qui m’accablent.
    Une ravisseuse d’enfants, voilà ce que je suis à leurs
yeux : et je commence tout doucement à prendre conscience de la cruauté de
cette accusation.
    C’est ici que je vais mesurer cette cruauté. Après ce
premier petit déjeuner auquel je n’ai pas touché, on rentre dans la cellule, où
il est interdit d’apporter quoi que ce soit. Durant toute ma détention ici, je
ne pourrai rien avoir avec moi, pas même des chewing-gums. Il y a des hommes et
des femmes, à peu près deux cents, qui changent très souvent puisque personne
ne reste plus de trois mois. C’est la loi mexicaine qui fixe à trois mois
maximum la durée des séjours à l ’arraigo. En attendant, on est obligé de
porter des tee-shirts de couleur imposée. Vert pour ceux qui sont accusés de
blanchiment d’argent, jaune pour les narcotrafiquants, et rouge pour les
auteurs d’enlèvements. Je ne le supporterai jamais, ce tee-shirt rouge. Pour moi,
l’enlèvement,

Weitere Kostenlose Bücher