A l'ombre de ma vie
reprochent
même pas. Ils comprennent tous que j’ai des hauts et des bas, que parfois je
n’en peux plus et que dans ces moments-là je me terre dans ma cellule sans
vouloir rien entendre.
Encore un été qui passe. Un automne qui revient, pendant
qu’un juge – le juge Fermin – travaille sur mon dossier dans le secret de son
bureau, sans que je sache à quelle vitesse il avance ni quelle idée il se fait
de mon cas. Il faut surtout que j’essaie de ne pas y penser. C’est trop
difficile. Pour passer le temps, à la prison, je me suis trouvé quelques
activités. Je fais du sport, en fin de journée, avec un prof qui vient là
presque tous les jours. Du step et de la musculation, bien à fond, en donnant
tout ce que je peux, parce que je vais ensuite me coucher et après tout cela je
m’endors rapidement. La directrice m’a aussi proposé de donner des cours de
français à quelques-unes de mes codétenues. Je n’ai jamais eu une âme
d’enseignante, je n’ai surtout jamais fait de pédagogie, mais je me débrouille
en commençant par des phrases simples et cela semble intéresser quelques
filles. Je ne sais pas si elles ont réellement l’intention d’apprendre à parler
ma langue, ou si elles sont là pour passer un peu de temps, mais elles
s’intéressent au cours et ces moments sont plutôt agréables.
Je m’occupe de mon courrier, aussi. Un courrier de
ministre ! De plus en plus de courrier, qui arrive par paquets. Il peut se
passer une semaine, parfois deux, sans que je reçoive une lettre, puis tout
m’arrive d’un seul coup. Les cartes postales, les mots d’encouragement, les
colis, et parfois des livres. Je réponds à tout le monde, c’est la moindre des
choses. Du moins je fais mon maximum, mais j’avoue avoir laissé de côté
quelques courriers. En particulier ceux qui arrivent dans mes périodes de
dépression les plus sombres, quand je n’ai plus de goût à rien, que mes forces
m’ont quittée. Je ne peux même pas lire, dans ces moments-là.
Le sport, les cours de français m’aident à passer le temps
et je me suis aussi lancée dans la fabrication de bijoux. Des colliers, des
bracelets, avec des perles et des accessoires qu’on m’apporte. C’est une amie
de Soraya qui m’a donné l’envie de me lancer, une dame qui venait voir ma
copine de cellule et porte toujours beaucoup de bijoux. Une femme soignée,
gentille. Quand Soraya a été libérée, qu’elle est repartie en Colombie, cette
dame a compris que j’aurais de la peine et elle a continué ses visites. Pour
moi. Ce sont des choses qui me touchent. D’ailleurs, j’ai eu d’autres marques
d’intérêt de cet ordre. Cela se passe toujours de la même façon : une
personne qui me connaît parle de moi à une autre personne, alors celle-là
demande à venir me voir, souvent par gentillesse – parfois par curiosité, je le
sais bien, mais je préfère ne pas y penser. Il suffit alors que je fasse noter
ce nouveau nom sur le registre de mes visites, et cette personne-là aura le
droit d’entrer, en principe. Évidemment, il ne faut pas avoir peur de
l’ambiance, des fouilles et de la promiscuité. Mais, souvent, mes visiteurs
font l’effort de paraître très détendus. Et moi, j’accepte tout le monde :
une journée avec une visite, c’est une journée qui passe plus vite.
Finalement, il n’y a peut-être qu’avec l’ancien consul de
France et son épouse que les choses ne se sont pas bien passées. Je me suis
braquée. D’abord parce que j’ai bien senti qu’ils ne croyaient pas à mon
histoire et qu’ils ont pensé d’emblée que j’étais coupable de ces enlèvements –
ou, pour le moins, que je « devais bien savoir quelque chose ». Ils
m’ont tout de suite considérée comme une écervelée. Et ils ne m’ont pas
beaucoup soutenue, même dans le cadre de l’activité consulaire. D’ailleurs,
Frank Berton ne s’est pas gêné pour le leur dire, lors de sa visite. Un soir, à
son hôtel, l’ambassadeur et le consul sont passés le voir. Mes parents ont
assisté à l’entretien, qui ne s’est pas bien passé. Mon avocat a reproché
vertement aux fonctionnaires leur attitude et leur a dit tout le bien que
l’Élysée en pensait. Les conseillers de Nicolas Sarkozy n’avaient même pas de
dossier sur moi ! Ils ont commencé à en constituer un en mai 2008, quand M e Berton leur a envoyé une première note, juste avant d’être reçu. Avant, je
n’existais pas pour la
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